La Croatie est entrée dans la zone Euro depuis le 1er janvier. Un pays issu de l'ancienne Yougoslavie, où les nationalités et les langues se sont chevauchées, offrant une littérature elle-même multilingue, se partageant entre le croate, le bosniaque, le serbe ou le monténégrin.
L'occasion pour Librel de proposer un regard sur cette littérature, riche de l'histoire européenne.
D'où viennent les histoires ? C'est la question que se pose la narratrice, une écrivaine et universitaire. Pour y répondre, elle se remémore plusieurs épisodes de sa vie, nous invitant à la suivre à Moscou pendant ses études, au Japon dans les sanctuaires d'Inari, au coeur des champs de mines du centre de la Croatie, sur la rive sud du Grand Canyon - en compagnie d'un certain Nabokov - ou encore dans un quartier délabré de Londres. À travers ces voyages, elle file le motif fascinant de la Renarde, démone virtuose de l'illusionnisme dans les mythologies asiatiques, érigée par certains en animal totem échu aux écrivains. Ce récit introspectif est ponctué d'anecdotes picaresques sur des figures du canon littéraire russe.
En se demandant ainsi comment naissent les récits, une nouvelle histoire est née. La Renarde est un texte vigoureux, enjoué, insaisissable et virtuose : une réflexion sur la figure de l'auteur et les oubliés de la canonisation littéraire.
Ah, la Croatie, et ses îles paradisiaques...?!
Un émissaire est envoyé sur Terzola, l'île la plus isolée de la mer Adriatique. Sur place, à peine l'eau et l'électricité, pas un seul réseau téléphonique ni de connexion Internet, deux églises mais pas de prêtre. Sa mission, et punition?: organiser, en tant qu'émissaire du gouvernement croate, des élections locales. Ses sept prédécesseurs ont échoué.
Homme politique découvrant les dialectes et coutumes pour le moins farfelus de cet îlot quasi oublié, le « ?huitième envoyé? » réussira-t-il à honorer ses fonctions??
Vous ne rêverez plus jamais de passer vos vacances isolé dans le dernier phare de Croatie.
Zagreb 2003. Journaliste en disgrâce, Tin envoie son cousin éloigné Boris couvrir le conflit irakien pour le quotidien qui l'emploie. Le seul hic, c'est que ce dernier, ex-soldat traumatisé par la guerre des Balkans, n'a aucune qualification. Lorsque Tin reçoit ses premières nouvelles du front - des e-mails décousus et hallucinés -, il décide les réécrire sans en informer sa hiérarchie. Une terrible erreur. La première d'une longue série. Bientôt Boris disparaît à Bagdad et la vie de Tin part complètement en vrille...
C'est en 1770 que Georg Kempf, l'ancêtre du narrateur, poussé par la famine, décide de quitter le sud de l'Allemagne pour la « Transylvanie », où la terre est grasse et fertile. Comme d'autres miséreux il a été convaincu par un messager de Marie Thérèse, d'aller peupler ce territoire délaissé de l'Empire austro-hongrois. Les années passent et la famille Kempf jouit d'une situation confortable dans cette région de Croatie nommée Slavonie lorsque Hitler appelle les Volksdeutsche, les Allemands de « l'extérieur », à rejoindre ses forces armées. Dans la Waffen-SS, Georg Kempf, dernier du nom, vit le sort dramatique des « volontaires forcés ». Au moment où l'armée allemande essuie ses dernières défaites à l'Est, il parvient à s'enfuir dans la forêt polonaise, et à rejoindre, après de multiples rencontres, un groupe de maquisards soviéto-polonais. À la Libération, muni d'un certificat de combattant soviétique, il regagne sa terre natale, totalement changée, dans une Yougoslavie en pleine révolution. Là, il rencontre Vera, militante communiste. Une histoire d'amour se noue sans pour autant effacer les marques laissées par l'Histoire sur chacun d'eux et sur l'enfant né de cette union, le narrateur. Des marques qui demeurent toujours sensibles dans cette région des Balkans, aujourd'hui talon d'Achille de l'Europe.
Tanja Lucic est devenue professeure de littérature à l'Université d'Amsterdam après avoir fui la guerre en ex-Yougoslavie. Là-bas, elle donne des cours a une classe composée de jeunes exiles yougoslaves dont la plupart gagnent leur vie en confectionnant des vêtements pour le « Ministère de la douleur », une boutique sadomasochiste. Tous vivent dans la « Yougonostalgie », un attachement sentimental à ce qu'était leur pays avant son éclatement. Pour soigner leur mélancolie, Tanja leur propose d'écrire le récit de leur vie et la façon dont ils ont vécu la désintégration physique et culturelle de cet État. Mais cette méthode pédagogique inhabituelle n'est pas sans conséquences : bientôt, elle s'attire les foudres des uns, et ravive les tensions entre les autres...
Dans ce roman ou l'ironie et l'humour noir sont rois, Dubravka Ugrešic explore la douleur de la perte, l'isolement et la solitude auxquels ne saurait échapper aucun exile. Que nous reste-t-il quand on a tout perdu - son pays, son foyer, et même sa langue ?
« J'avais découvert posé sur le lit un petit dessin représentant une femme et un homme à tête de taureau. (...) Le dessin est brutal. Je le déteste. Je l'adore. Je ne m'en déferai jamais. (...) Sur ce dessin, c'était moi. Ni Olga, ni Marie-Thérèse, ni aucune autre de ses amantes de passage dont il ne se rappelait pas les noms. J'étais l'élue, j'étais la gagnante, j'étais marquée. J'étais à lui. » Photographe renommée, figure prometteuse de l'avant-garde parisienne, amie intime des surréalistes André Breton et Man Ray, Dora Maar est une artiste accomplie et célébrée lorsqu'elle rencontre Pablo Picasso en 1936. Fascinée par le génie du peintre, elle rêve d'un compagnonnage artistique, d'une vie à deux faite d'amour et d'art.
Mais pour Picasso, le seul art qui compte est le sien, et leur relation ne sera pour lui qu'un matériau inépuisable pour sa propre créativité. Projetée en pleine lumière par son statut de muse, Dora Maar devient, sous les pinceaux de Picasso, une des femmes les plus scrutées de son temps, mais son art et son individualité resteront à jamais dans l'ombre du maître. De leur histoire destructrice, elle sortira anéantie.
Dans ce journal intime fictif, Slavenka Drakulic dresse le portrait tragique d'une femme et artiste extraordinaire et offre une voix à celle qui en fut privée.
De retour dans sa ville natale, Dada retrouve sa mère et sa soeur avec l'espoir de libérer sa famille du passé. Telle une cavalière solitaire, elle enfourche sa mobylette pour tenter de faire la lumière sur la mort de son jeune frère, passionné de westerns, disparu quatre ans plus tôt.
Cet envoûtant roman d'apprentissage nous offre le portrait saisissant d'une génération perdue, au coeur d'une banlieue croate abîmée par la guerre. Une oeuvre magistrale sur l'intolérance et la violence, sur le désir et la liberté d'être différent.
À des siècles d'intervalle, cinq femmes évoluent chacune dans son monde et son histoire, des temps mythiques, pleins de superstition, à l'époque contemporaine, avec ses codes. Pourtant, leurs destins sont étroitement imbriqués grâce à une guitare d'exception. Personnage à part entière, elle rythme les chapitres, tel un leitmotiv.
À sept kilomètres de Smiljevo, haut dans les montagnes, dans un hameau à l'abandon, vivent Jozo Aspic et ses quatre fils. Leur petite communauté aux habitudes sanitaires, alimentaires et sociologiques discutables n'admet ni l'État ni les fondements de la civilisation, jusqu'à ce que le fils aîné, Krešimir, en vienne à l'idée saugrenue de se trouver une femme.
Bientôt, il devient clair que la recherche d'une épouse est encore plus difficile et hasardeuse que la lutte quotidienne des Aspic pour la sauvegarde de leur autarcie.
La quête amoureuse du fils aîné des Aspic fait de ce road movie littéraire une comédie hilarante, où les coups de théâtre s'associent pour accomplir un miracle à la combe aux Aspics.
« L'Eau rouge est un roman funambule, hypersensible, dont l'action progresse à l'aplomb d'un vide vertigineux : celui qu'a laissé une jeune fille mystérieusement disparue. ».
FRANCE INTER.
Un soir de septembre 1989, à Misto lors de la fête des pêcheurs, Silva, 17 ans, disparaît sans laisser de trace. Dans ce bourg de la mer Adriatique, les hypothèses vont bon train : Silva a-t-elle été enlevée, assassinée ? Ou s'est-elle simplement enfuie du pays ? Mais l'Histoire est en marche ; le régime de Tito s'effondre et la guerre civile menace. Au milieu du chaos, l'affaire est classée. Mate, son frère jumeau poursuivra ses recherches. Sans relâche. Dans un style éblouissant, l'auteur déploie en parallèle les bouleversements de la société croate sur trois décennies. Magistral et puissant.
Jurica Pavicic, né en 1965 à Split, est un écrivain et critique de cinéma croate. Ses romans ont été traduits en plusieurs langues. L'Eau rouge a été couronné par cinq prix prestigieux, dont le prix Le Point du Polar européen 2021, le Grand Prix de Littérature Policière ou encore le Prix Libr'à Nous 2022.
La jeune Bruna, modeste employée, tombe amoureuse de Frane, qui termine ses études pour devenir marin. La relation heureuse mène rapidement au mariage, et le couple emménage au deuxième étage de la maison construite par les parents de Frane au prix de grands sacrifices. Au premier vit Anka, la mère de Frane. Deux ans plus tard, Bruna est à la prison de Požega, où elle purge une longue peine pour le meurtre de sa belle-mère...
La Femme du deuxième étage est l'anatomie de cette tragédie dans laquelle des gens ordinaires deviennent acteurs de la rubrique faits divers. Ce thriller psychologique tendu éclaire non seulement la façon dont le crime a été commis, mais aussi pourquoi. À la recherche d'une réponse, l'écrivain s'enfonce dans la peau de son héroïne et explore les circonstances qui ont conduit au meurtre. Excellent chroniqueur et critique de la réalité sociale, Pavicic traite des mutations d'une société en transition et de leur impact sur le microcosme d'une famille, sur fond d'images idylliques de la Méditerranée qu'il oppose à celle d'une cruauté difficile à pardonner.
Considéré comme le plus grand écrivain de langue croate, Miroslav Krleza a publié en 1938 ce chef d'oeuvre politique et allégorique de la montée des totalitarismes en Europe. C'est dans un pays imaginaire, la Blithuanie, que se concentrent l'absurdité et la violence du continent à l'aube de la 2ème Guerre mondiale. Le peuple blithuanien a confié son sort à un despote caractériel et sanguin, héros national et populiste. Ce Hitler est-européen va voir une résistance monter contre lui en la personne d'un démocrate, le docteur Nielsen...
A Visegrad, c'est sur le pont reliant les deux rives de la Drina - mais aussi la Serbie et la Bosnie, l'Orient et l'Occident - que se concentre depuis le XVIe siècle la vie des habitants, chrétiens, juifs, musulmans de Turquie ou " islamisés ". C'est là que l'on palabre, s'affronte, joue aux cartes, écoute les proclamations des maîtres successifs du pays, Ottomans puis Austro-Hongrois.
C'est la chronique de ces quatre siècles que le grand romancier yougoslave Ivo Andriécï, prix Nobel de littérature en 1961, nous rapporte ici, mêlant la légende à l'histoire, la drôlerie à l'horreur, faisant revivre mille et un personnages : de Radisav le Serbe empalé par le gouverneur turc, à Fata qui se jette du pont pour éviter un mariage forcé, et au vieil Ali Hodja, le Turc traditionaliste, qui voit avec consternation surgir les troupes de l'empereur François-Joseph.
En 1914, le pont endommagé dans une explosion demeure debout. Sinistre présage, cependant, grâce auquel ce roman paru en 1945, oeuvre d'un écrivain bosniaque par sa naissance, croate par son origine et serbe par ses engagements d'alors, nous paraît aujourd'hui mystérieusement prophétique.
Rien ne destinait la petite ville de Travnik, résidence du vizir turc de la province occupée de Bosnie, à entrer dans l'histoire.
Un coin de terre oublié où cohabitent, tant bien que mal, musulmans, catholiques, juifs et orthodoxes. A la faveur de l'épopée napoléonienne, un diplomate français, Jean Daville y est envoyé comme consul. Voici le récit de son séjour - de 1806 à 1814 - l'occasion pour Andric d'offrir un somptueux tableau de sa terre d'origine au moment où, pour la première fois, elle s'ouvre à l'Occident. Au carrefour du roman historique, du récit intimiste et de la description ethnographique, ce livre est aussi une réflexion sur les méfaits de l'intolérance et des rivalités entre communautés.
La Chronique de Travnik est considéré comme l'un des romans majeurs des littératures slaves contemporaines.
Au-delà de la simple narration d'événements dont les acteurs sont des enfants, Ivo Andrié aborde ici des thèmes qui lui sont chers : la culpabilité, la faute dont on se voit accusé à tort et qu'il faut malgré tout expier, l'éveil à la réalité du monde et du mal qui l'habite.
L'innocent se trouve désemparé, angoissé devant la faute qu'il n'a pas commise, devant le mal qui l'agresse, devant la mort qui pèse sur lui de son écrasante présence et qui, en dernier ressort, apparaît comme l'unique issue d'une situation inextricable. Ivo Andrié (1892-1975), reconnu comme le plus célèbre écrivain yougoslave du XXe siècle, obtint le prix Nobel de littérature en 1961. En le lui remettant, Anders Osterling déclara " Une grande tendresse unit Ivo Andrié aux hommes, mais il ne recule pas devant la description de l'horreur et de la violence, ni devant ce qui, à ses yeux, apporte surtout la preuve de la réalité du mal dans la vie.
Il ouvre, en quelque sorte, la chronique du monde à une page inconnue et s'adresse à nous du plus profond de l'âme tourmentée des peuples slaves du sud. "
Nous promenant de Notre-Dame de Paris au carnaval de Venise en passant par les lisières du Sahara, Strasbourg, la Provence, l'oeuvre de Hugo, la Rue des Crocodiles de Bruno Schulz ou le gigantesque ennui dans les sociétés communistes, l'auteur nous fait réfléchir sur la disparition du sacré dans l'architecture contemporaine sans que pour autant l'humain y trouve satisfaction.
Traduit du croate par Gérard Adam sur base d'une traduction préalable de l'édition originale par Sasa Sirovec et Zlatko Wurzberg. Edition revue et corrigée par l'auteur.
Quatre nouvelles d'un des plus importants écrivains croates contemporains traduites du croate par Tomislav Dretar et Gérard Adam, où il est question de tyrannie des sens, d´incommunicabilité, de fragilité des relations. Un membre d´une délégation officielle en Chine se laisse piéger par une prostituée qui le confronte à sa médiocrité ; l´achat d´un stock de baume du tigre, dans l´espoir fallacieux de le revendre avec un plantureux bénéfice, fera de lui un rêveur fou. Un chercheur de pétrole dans le désert marocain - alors que l´auteur, qui a vécu au Maroc, sait très bien qu´il n´y en a pas - force dans une chambre d´hôtel une femme qui tente en vain de lui faire comprendre qu´elle est atteinte du sida. Le road-movie de deux amis qui parcourent l´Inde à l´époque des hippies et, après avoir échappé à la mort, fraternisent par l´échange du sang, n´empêche pas que, bien plus tard, se croisant dans un escalier, ils ne se reconnaissent plus. Le récit d´une banale aventure amoureuse dans la bourgeoisie de Split, commencé à l´époque de l´Empire austro-hongrois dans un style romanesque et grandiloquent, est achevé des décennies plus tard sur un mode parodique et pornographique.
Haya Tedeschi, une jeune femme d'origine juive dont les parents se sont convertis au catholicisme, travaille comme vendeuse dans un tabac. Quand la guerre touche Gorizia, cette ville frontalière italo-slovène récemment intégrée dans une nouvelle province allemande, elle rencontre l'officier Kurt Franz. Haya ne demande pas d'où il vient ni pourquoi il a été muté dans la région adriatique : elle est impressionnée par ce bel homme grand et blond, et en tombe amoureuse. C'est donc avec Kurt Franz, ancien commandant du camp de Treblinka, qu'elle aura un enfant, Antonio. Mais au bout de quelques mois, Antonio est enlevé : il fait partie du projet nazi Lebensborn.
Après la guerre, Haya devient professeur de mathématiques et refuse d'abdiquer. Elle veut retrouver son fils, mais veut aussi savoir ce qui s'est passé pendant la guerre dans cette région un peu négligée par les historiens. Elle rassemble un nombre impressionnant de documents qui sont intégrés dans le récit de sa propre histoire, dont les noms des 9 000 juifs déportés d'Italie, la biographie d'un certain nombre de nazis qui ont échappé à la justice, ou encore des épisodes moins connus comme celui de ces trains italiens qui passaient par la Suisse pour atteindre les camps de la mort.
Le roman de Daša Drndic procède par collage entre des faits historiques et le récit fictionnalisé, très personnel, de Haya Tedeschi, dans un jeu que les écrivains anglo-saxons appellent « fiction and faction » afin de confronter l'histoire collective refoulée ou oubliée au prisme de l'individu souffrant. Sonnenschein ne nous offre ni héros ni rédemption, mais plutôt l'addition bouleversante de micro-récits concernant tant de destins individuels broyés par la lâcheté de la majorité silencieuse autant que par la violence des meurtriers. Daša Drndic a réussi un grand roman sur les conséquences du mal plutôt que sur sa prétendue banalité.
Après douze ans sans nouvelles, Sara, une Bosnienne installée à Dublin, reçoit un appel de son amie d'enfance, Lejla. Cette dernière lui demande de venir la chercher au pays pour la conduire à Vienne, où se trouverait Armin, son frère disparu pendant la guerre, deux décennies plus tôt. Malgré la distance et les années de silence hostile, Sara accepte de l'aider. Ensemble, elles se lancent dans un road-trip au coeur des ténèbres de l'Europe et plongent dans le «terrier» de leur passé commun, revisitent leur amitié fusionnelle, conflictuelle et exhument de douloureux secrets. À travers l'histoire de Sarah et de Lejla transparaît par petites touches un conflit qui n'est jamais nommé : la désintégration de la Bosnie.
Naissance d'un talent majeur ; Lana Bastaši signe un premier roman intense et poignant, au féminisme résolu, sur la construction id entitaire, la faillibilité de la mémoire et sur les différentes façons dont deux personnes peuvent se blesser, s'aimer, se décevoir et se méprendre l'une sur l'autre. Une histoire d'amitié féminine qui rappelle le lien tumultueux de Lenù et Lila dans la tétralogie napolitaine d'Elena Ferrante. Surtout un road-trip hanté par la culpabilité qui rappelle "Lolita" de Nabokov.
La poésie de Srdan Duhovic propose une expérience de lecture singulière. Le sourire aux lèvres et la barbe au vent, l'auteur parcourt inlassablement son île de Korcula dans l'Adriatique. Ses créations verbales naissent dans des instants de grâce, lorsqu'il éprouve le besoin impérieux de noter une expérience intense du monde. Profondément liée à son environnement, sa poésie dévoile une intériorité comme foyer d'une introspection insulaire et solaire. Cette parole poétique se développe face au ciel muet, dans la lumière de l'été, entre vignes et oliviers, comme dans les tempêtes et les terribles coups de vents de la bora. Les éléments naturels accompagnent la recherche d'un sens caché, qui puisse rendre les paysages de l'île, âpres et splendides, habitables tant pour lui que pour les autres. Cette parole invite à un élargissement des perceptions, à une dilation des émotions. Face à la magie de ces lieux, Srdan Duhovic livre un diagnostic et une thérapie. La médecine naturelle qu'il propose est une prise en compte du passé et de l'intemporel pour affronter le présent.
Accompagnée d'un entretien et de commentaires, cette édition offre la possibilité de se plonger dans cet univers adriatique et de se familiariser avec les particularités de son expression poétique.
Oleg et Nikola partent en expédition dans la petite ville de N., oubliée du monde. Leur mission : remettre en marche l'usine de turbines devenues obsolètes mais dont un certain Colonel leur a passé commande. Ils tentent de gagner la confiance d'une population locale incrédule et se conforment avec cynisme à l'idéal socialiste yougoslave : l'autogestion. Tout cela sera-t-il beau et vain, comme de fabriquer des turbines pour le Titanic ? Dans une ère post-industrielle où le monde ouvrier se confronte au capitalisme le plus absurde, les corps se frôlent, lourds de leur passé, de leurs amours, de leurs échecs.
De la débâcle naît un roman poétique, drôle et captivant.
Avec ce premier recueil à la prose ironique, Asja Bakic crée une galerie de personnages uniques et tordus, qui évoluent dans des univers à la croisée du fantastique d'Edgar Poe et d'un futur à la Black Mirror : une femme n'échappera au purgatoire que quand elle aura composé son chef-d'oeuvre ; une autre réside dans un monde sans contact physique où elle écrit de la pornographie ; des enfants s'inventent des monstres au coeur d'un été idyllique ; une sociopathe trouve plus retorse qu'elle ; et dans la dernière nouvelle, la littérature a été déclarée nocive pour l'humanité et tous les auteurs exilés sur la planète Mars.
Peuplées d'écrivaines, de solitaires, de meurtrières ou de clones qui toutes tentent de trouver un sens à leur réalité désaxée, ces histoires teintées d'humour noir lèvent le rideau sur l'étrangeté du quotidien et revisitent avec brio quelques thèmes classiques de la science-fiction d'un point de vue féminin.
« Au premier abord, elles sont invisibles. Et puis, un beau jour, vous commencez à les remarquer... ».
Pupa, une ex-gynécologue acerbe au corps tout fripé, décide d'offrir à ses deux amies des vacances luxueuses dans un spa à Prague. Beba, une ancienne infirmière aux cheveux blonds et aux seins énormes, est la reine des lapsus et cite constamment des poèmes qu'elle n'a jamais appris. Kukla, une grande femme élégante, a été veuve plus souvent qu'à son tour. Pendant leur séjour, ce trio étonnant de vieilles sorcières vivra de folles aventures dans un décor de massages, de mousse, de jeux de hasard : elles croiseront un jeune masseur dont le membre est perpétuellement au garde-à-vous, un Américain richissime, un mafieux russe ruiné et un médecin spécialiste de la jeunesse éternelle...
Avec Baba Yaga a pondu un oeuf, Dubravka Ugrešic réécrit le mythe slave de Baba Yaga - une sorcière mangeuse d'enfants - pour évoquer le devenir des femmes âgées. C'est un roman érudit, hilarant et plein d'autodérision.
En vingt-neuf nouvelles, la chronique kaléidoscopique d'une Bosnie ravagée par l'éclatement de la Yougoslavie.
Avec un étrange détachement, le narrateur promène son regard sur les familles, les amants, les victimes, les bourreaux, les animaux, les plantes, les objets "sans qualités". Le pathétique côtoie l'ironie et la cruauté la nostalgie, pour mieux préserver, dans toute sa complexité, l'image éparpillée du monde.