Né le 12 février 1903, Georges Simenon fait l'objet, à l'occasion de ce cent vingtième anniversaire, d'un festival qui lui est entièrement destiné. Organisé par l'Université et la ville de Liège, avec le concours de John Simenon (le fils), ce festival a présenté, du 8 au 11 mars, en plus d'un colloque, une série de rencontres littéraires autour de son oeuvre. Le programme, très riche, est consultable ici.
Mais le festival ne s'est pas limité à ces quatre journées. Sont également proposés, une exposition, au Grand Curtius, qui restera à l'affiche jusqu'au 27 août, des projections de films tirés de son oeuvre, une exposition de bandes dessinées, tout un programme que l'on peut retrouver sur le portail du festival.
A l'occasion de cet anniversaire, les Editions Omnibus rééditent en 12 volumes les "romans durs" de Simenon (hors Maigret donc). Mais bien sûr on trouve tout en format poche, et parfois en BD.
Petite promenade à travers quelques suggestions, mais l'ensemble des titres de et sur Simenon se retrouve sur notre portail, en cliquant ici.
La Belgique, à l'aube du 20e siècle.
Le jeune Simenon, ou Sim, est dès ses 15 ans un brillant journaliste à "La Gazette de Liège". Déjà, il nourrit deux passions : l'écriture et les femmes.
Il monte à Paris où il côtoie vite artistes et écrivains du Montparnasse nocturne et tombe amoureux de Joséphine Baker.
Il rêve d'aventure et de gloire, comme Rouletabille et Tintin. Mais son héros à lui n'aura rien à leur envier : un certain Jules Maigret...
Georges Simenon naît en 1905. Il passe son enfance à Liège au sein d'une famille désunie, où sa mère règne en despote. Elle rêve d'un meilleur statut social alors que son père se trouve bien dans sa petite vie et son grand fauteuil.
Il fait preuve très tôt de fortes capacités intellectuelles à l'école mais décide d'abandonner ses études à l'âge de quinze ans. C'est en passant devant l'imposant siège de la Gazette de Liège, qu'il tente sa chance. Il rencontre le directeur et lui annonce tout de go qu'il veut être reporter, épaté par son culot, il lui attribue un chronique local, dont font partie les faits divers. Georges n'a que 16 ans, et pas la moindre expérience ni le moindre diplôme mais il apprend rapidement et devient vite indispensable. Fasciné par les femmes, il fait très souvent appel aux services des professionnelles, puis il rencontre une fille drôle, maligne et cultivée, Tigy qui deviendra son épouse.
Ambitieux, il se rend à Paris et côtoie le milieu littéraire, qui lui donne la passion de l'écriture. Dès lors, à partir de 1924, il se lance dans la rédaction d'une multitude de romans populaires paraissant sous divers pseudonymes. Le couple va rencontrer Henriette Liberge, rebaptisée Boule, qui les suivra des décennies à la fois amante, bonne à tout faire et conseillère.
Octobre 1925, " la revue nègre " défraye la chronique, sa vedette ; Joséphine Baker. Ils vivront une passion dévorante, mais Simenon, bouffi d'orgueil ne supporte pas que Joséphine lui vole la vedette !
Fatigué de Paris, il propose bien des années plus tard de prendre le large et d'acheter un bateau. A bord de l'Ostrogoth, en compagnie de Tygy, Boule et d'Olaf le chien il vont naviguer sur les canaux. Sur un chemin de halage une silhouette vient vers lui en contre-jour : Coiffé d'un feutre, vêtu d'une gabardine, une bouffarde coincée entre les dents. L'inconnu se présente ; Jules Maigret, commissaire à la police judiciaire. " Mon personnage, Le personnage providentiel, je l'ai ... " Entre 1932 et 33, Simenon publie 17 Maigret, traduits et même pour certains adaptés au cinéma. Georges Simenon entre dans l'ère de la fortune et de la gloire.
Romans 1937-1938.
Troisième volume de l'intégrale des « romans durs », selon l'expression du créateur du commissaire Maigret, précédé d'un entretien de Jacques Santamaria avec Laurent Heynemann, réalisateur de l'adaptation de Ceux de la soif.
« C'est en allant aux Galapagos [que j'ai écrit] Ceux de la soif... Vous vous souvenez de l'histoire de cette Allemande, perdue dans l'archipel des Galapagos, et du mystère qui entourait cette singulière impératrice. C'était un trop beau roman pour que je n'y aille point voir. J'y suis parti en journaliste. J'en suis revenu en romancier. ».
Simenon à Richard Dupierreux, Le Soir, Bruxelles, 6 décembre 1936.
Clara Malraux avait connu tous les écrivains importants du XXe siècle. Un jour elle me demande : « Laurent, qu'est-ce que tu lis en ce moment ? » Je lui réponds que je lis Les Nourritures terrestres d'André Gide. Et elle se met en colère ! « Quoi ?! Gide ?! Si tu savais comme il s'est comporté quand j'ai divorcé de Malraux ! Tu ferais mieux de lire Simenon ! ».
Entretien du réalisateur Laurent Heynemann avec Jacques Santamaria.
Romans 1938-1941.
Quatrième volume de l'intégrale des "romans durs" de Georges Simenon, précédé d'un entretien de Jacques Santamaria, scénariste de neuf adaptations de Simenon, avec Jacques Fansten, qui a réalisé, sous le titre Le Mouchoir de Joseph, en 1988, l'adaptation de Chez Krull.
« Pendant bientôt vingt ans - j'ai publié mon premier roman, Au pont des Arches, à seize ans et j'en aurai trente-six avant le printemps [...] -, j'ai cherché une vérité humaine au-delà de la psychologie, laquelle n'est qu'une vérité officielle, fausse comme une Semeuse de timbre poste, à la portée des bons élèves. ».
Projet de Prière d'insérer pour La Marie du port, 1938.
[...] comme il était prévu que tout changement de titre lui soit soumis, lorsque le producteur lui a fait savoir qu'au lieu de Chez Krull, nous souhaitions intituler le film Le Mouchoir de Joseph, Georges Simenon a répondu : « C'est un titre que j'aurais pu choisir. ».
Entretien du réalisateur Jacques Fansten avec Jacques Santamaria.
À l'occasion du trentième anniversaire de la mort de Georges Simenon (1903-1989) en 2019, Jean-Baptiste Baronian examine le cas «Simenon» comme s'il dirigeait une enquête criminelle. Simenon est a` la fois victime, coupable et toujours... en cavale. On voyage a` travers les multiples zones d'ombre et non-dits qui planent encore sur son oeuvre et sa biographie pour redécouvrir l'incroyable modernité, la singularité saisissante de cet écrivain.
Un portrait irrésistible et subtil par l'un des plus grands spécialistes de Simenon.
Le 24 mars 1923, Régine Renchon et Georges Simenon sont déclarés mari et femme, d'abord par le curé de l'église Sainte-Véronique puis par l'échevin communiste de la bonne ville de Liège.
Ces deux fringants jeunes gens - elle peintre déjà exposée, lui journaliste en herbe et aspirant romancier - ne vont pas s'attarder dans leur Belgique natale. Les voici à Paris où, dans l'effervescence des très swing Années folles, ils se livrent corps et âme à l'esprit du temps et à la conquête de la gloire.
Tandis que Régine se déploie sur tous les fronts, celui de son art comme celui du soutien à la carrière de son époux, Georges devient en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire une véritable ""machine à écrire"", produisant à la chaîne des petits romans populaires pour financer la grande vie et les fêtes étincelantes qui attirent, dans leur appartement de la place des Vosges, le Tout-Paris bambocheur de l'époque.
Prendront-ils le chemin de Zelda et Scott Fitzgerald, celui de la déchéance mentale, morale et artistique, ou, au contraire, parviendront-ils à transcender ces expériences pour bâtir leurs oeuvres respectives ? Et à la fin, lequel des deux artistes sacrifiera ses ambitions à l'autre ?
Avec la bénédiction et la participation de John Simenon, le fils de Georges, José-Louis Bocquet et Jean-Luc Fromental évoquent ce couple fabuleux et le chemin semé d'embûches qui amena Simenon à faire naître son fameux Maigret.
Jacques Loustal, qui illustre depuis des années les oeuvres du maître, déploie toute sa palette pour ce portrait d'un Paris en fête, terrain de jeu d'un duo amoureux, habité par la joie de vivre et la fureur de créer.
Romans durs 1931-1934.
Premier volume de l'intégrale des « romans durs » de Georges Simenon, précédé d'un entretien du réalisateur Patrice Leconte avec Jacques Santamaria, scénariste de neuf adaptations de « romans durs ».
- C'est fini, j'arrête...
- Vous êtes fou ! Vous allez vous casser le nez en essayant d'écrire autre chose que du roman policier !
- Finissons-en avec Maigret. Je n'ai plus besoin de fil conducteur... Je pense pouvoir écrire maintenant un vrai roman...
Conversation entre Simenon et son éditeur Fayard [1933 ?] rapportée par le romancier dans son interview à Actualité-journal, n° 23, 1958.
- Qu'est-ce qui t'a marqué en découvrant Simenon et que tu as retenu au moment de l'adapter à l'écran ?
- C'est l'attention extrême qu'il porte aux petites gens. A ceux qui semblent n'avoir aucune histoire, et dont on va découvrir les secrets et les tourments. Ce qui intéresse Simenon, c'est l'humain. D'où la force de ses personnages. Ça, un cinéaste n'a pas intérêt à l'oublier.
Entretien du réalisateur Patrice Leconte avec Jacques Santamaria.
Romans 1934-1937.
Deuxième volume de l'intégrale des « romans durs » de Georges Simenon, précédé d'un entretien de Jacques Santamaria avec Éric Neuhoff, critique de cinéma, auteur d'ouvrages de référence sur le 7e art.
« Ne pas pouvoir voir un homme sans se mettre à sa place, souffrir pour lui. [...] Avoir d'abord les hommes en soi (l'idéal serait de pouvoir dire tous les hommes), avoir vécu toutes leurs vies. Même en petit, souffert toutes leurs souffrances. J'en suis loin ! Avec le temps, je me rapprocherai de cet idéal. » Lettre de Simenon à André Gide, mi-janvier 1939.
La province de Simenon n'existe plus aujourd'hui, arasée par « la même chose partout ». Mais cette province, proche de celle de Balzac, c'est celle des secrets, de l'argent, des apparences qu'il faut sauver à tout prix, c'est celle des jalousies, de la solitude, des petitesses et des vantardises, des classes sociales qui s'affrontent, et parfois de l'amour qui vient tout changer.
Entretien du critique de cinéma et écrivain Eric Neuhoff avec Jacques Santamaria.
C'était curieux : l'obscurité qui l'entourait n'était pas l'obscurité immobile, immatérielle, négative, à laquelle on est habitué. Elle lui rappelait plutôt l'obscurité presque palpable de certains de ses cauchemars d'enfant, une obscurité méchante qui, certaines nuits, l'attaquait par vagues ou essayait de l'étouffer.
Vous pouvez vous détendre.
Mais il ne pouvait pas encore remuer. Respirer seulement, ce qui était déjà un soulagement. Son dos était appuyé à une cloison lisse dont il n'aurait pu déterminer la matière et, contre sa poitrine nue, pesait l'écran dont la luminosité permettait de deviner le visage du docteur. Peut-être était-ce à cause de cette lueur que l'obscurité environnante semblait faite de nuages mous et enveloppants oe Pourquoi l'obligeait-on à rester si longtemps dans une pose inconfortable, sans rien lui dire ? Tout à l'heure, sur le divan de cuir noir, dans le cabinet de consultation, il gardait sa liberté d'esprit, parlait de sa vraie voix, sa grosse voix bourrue de la scène et de la ville, s'amusait à observer Biguet, le fameux Biguet qui avait soigné et soignait encore la plupart des personnages illustres.
Romans 1941-1944.
Cinquième volume de l'intégrale des « romans durs » de Georges Simenon, précédé d'un entretien de Jacques Santamaria avec le président de l'Académicie Goncourt, Didier Decoin, dont le père, Henri Decoin, a réalisé l'adaptation de trois romans durs, Les Inconnus dans la maison, L'Homme de Londres et La Vérité sur Bébé Donge.
« Ce qui compte, n'est-ce pas que le roman, épuré, débarrassé de tout ce qui n'était pas son essence propre, devienne le moyen d'expression de notre époque comme la tragédie l'a été pour d'autres temps ? ».
Simenon, L'Age du roman, 1988.
Romans 1945-1947.
Sixième volume de l'intégrale des « romans durs » de Georges Simenon, précédé d'un entretien de Jacques Santamaria avec Bernard Stora, qui a réalisé en 2001 l'adaptation de L'Aîné des Ferchaux.
« Après avoir écrit La Fuite de Monsieur Monde [...] j'ai eu nettement l'impression, et je l'ai encore, que je pouvais écrire le mot «Fin», qu'une période de ma vie était terminée et qu'une autre commençait. Ce qu'elle sera, ce qu'elle donnera, je suis encore incapable de le dire. » Lettre de Simenon à André Gide, 18 décembre 1944.
On pourrait dire que L'Aîné des Ferchaux, c'est le jeu du chat et de la souris entre deux personnages de générations différentes. Mais ce serait trop réducteur. Cette situation brasse en fait pas mal de thèmes, et des plus simenoniens : la fascination, la manipulation, la possession et la domination, la solitude, l'initiation.
Entretien du réalisateur Bernard Stora avec Jacques Santamaria.