La librairie Point Virgule (Namur) a eu la bonne idée de consacrer un de ses dossiers thématiques aux écrivains belges néerlandophones. Ils sont nombreux, talentueux, reconnus partout à l'étranger, et trop peu souvent chez nous. Notre histoire belge...
A l'occasion de la sortie du nouveau livre de Lize Spit, nous reprenons ici cette sélection.
« Nous étions deux piliers de guingois qui, dès lors qu'on les appuierait l'un contre l'autre, auraient plus de stabilité qu'un seul pilier à la verticale. Tout irait bien tant que nous resterions ensemble. » Leo vit avec son petit ami Simon depuis dix ans. Lié par une enfance troublée, le couple vit parfaitement heureux. Jusqu'à ce que tout change : Simon rentre chez eux au milieu de la nuit et Leo ne le reconnaît plus, ni dans ses gestes, ni dans ses mots. Lentement, l'existence méticuleusement construite de Leo s'effondre, jusqu'à mettre sa vie en danger...
Après le très remarqué "Débâcle", Lize Spit revient avec une troublante histoire de dévotion et de trahison en forme de thriller haletant.
Se promenant dans sa ville natale de Gand un jour de 1979, le narrateur tombe en arrêt devant une maison:visiblement à l'abandon derrière une grille ornée de glycines, cette demeure l'appelle. Il l'achète aussitôt et va y vivre près de vingt ans.Ce n'est qu'au moment de la quitter qu'il mesure que ce toit fut également celui d'un SS flamand, profondément impliqué dans la collaboration avec le Troisième Reich. Le lieu intime se pare soudain d'une dimension historique vertigineuse:qui était cet homme incarnant le mal, qui étaient son épouse pacifi ste et leurs enfants? Comment raconter l'histoire d'un foyer habité par l'abomination, l'adultère et le mensonge?À l'aide de documents et de témoignages, le grand romancier belge Stefan Hertmans nous entraîne dans une enquête passionnante qui entrelace rigueur des faits et imagination propre à l'écrivain. Examen d'un lieu et d'une époque, portrait d'un intérieur où résonnent les échos de l'Histoire, Une ascension est aussi une saisissante plongée dans l'âme humaine.
Anna mène une vie heureuse auprès de ses parents à Cape Cod. Sa tante, son oncle et sa cousine Tara s'installent dans la maison voisine, une vieille bicoque hantée par la sorcière Goody Hallett qui pétrifie la bouche de ceux qui trahissent les secrets.
Anna découvre que sa cousine Tara envoie des bouteilles à la mer. Quelle fille étrange. Pourquoi dit-elle à qui veut l'entendre que sa couleur préférée est le rouge car c'est celle qui dit " Stop " ?
La mère de Tara se suicide. " Maman a vu quelque chose qu'elle ne voulait pas voir ", dit la jeune fille avant de se réfugier dans les dunes, le regard vide.
Anna ne sait pas comment réagir. L'annonce qu'un banc de baleines vient de s'échouer sur la plage arrive presque comme un soulagement. Elle va pouvoir agir ! Pour Tara aussi, c'est une occasion inespérée. Les deux cousines participent avec ardeur à l'opération de sauvetage, comme si, en sauvant les baleines, elles sauvaient ce qui est en péril en elles.
Donnant le meilleur d'elle-même pour ramener un baleineau à la vie, Tara va peu à peu se mettre à parler et révéler à Anna la relation incestueuse que lui impose son père. Et non, aucune sorcière ne va la pétrifier ! Et oui, la parole est libératrice. Une nouvelle vie commence pour Tara.
Curaçao, Caraïbes, 1961. Max Tromp débarque un matin dans la classe du frère Daniel à bord du taxi rutilant de son père. Du haut de ses 12 ans, c'est un gamin futé qui rêve de devenir instituteur. Mais dans cette île étranglée, il est vite rattrapé par son destin et n'a bientôt d'autre choix que de reprendre le volant de la Dodge Matador paternelle. Tandis que les années s'égrènent, Max, père à son tour, croit déjouer le sort quand son fils prend le chemin de l'école. Les Tromp parviendront-ils enfin à échapper à leur condition ?
À travers cette chronique sur trois générations, Taxi Curaçao dresse un portrait coup de poing d'un pays qui porte les stigmates de la colonisation.
Roman éclaté, accumulation de récits et de constatations désabusées sur le xxe siècle, où court, tel un fil conducteur, l'histoire de la petite Ondine, une jeune fille pauvre qui utilise ses charmes pour gravir les échelons de la société, La Route de la chapelle est le chef-d'oeuvre de Louis Paul Boon. À sa sortie, ce roman a suscité de nombreuses controverses, dues autant à sa forme chaotique qu'à son contenu virulent vis-à-vis de l'Église et de l'État. L'auteur y mêle la critique sociale à des récits revisités du Roman de Renart et à ses expériences personnelles.
« Dans la volière de la littérature flamande, on trouve toutes sortes d'oiseaux, en majorité des pigeons domestiques, quelques paons hâbleurs, çà et là un petit coq de bruyère timide comme un poète, et chacun d'eux chante, hélas, son propre couplet et pond ses propres oeufs. Le merle blanc de cette basse-cour est Louis Paul Boon. Il est notre écrivain le plus important, la source la plus généreuse de la littérature flamande, une source qui a crevassé le champ infatué de notre art d'écrire [...]. » (Hugo Claus)
A Paris, vers 1910, M. et Mme Brulot tiennent une modeste pension familiale où se mêlent caractères et cultures. Leurs clients y mènent un train de vie tranquille jusqu'à l'arrivée de Louise, la nouvelle femme de chambre. Jeune mère et veuve, elle est appréciée par ses messieurs. Une série de malheurs, à commencer par le suicide d'un des pensionnaires, s'abat sur la pension. Comédie de moeurs, Villa des Roses est l'histoire douce-amère de la face cachée de l'amour. Nous y retrouvons l'indubitable raffinement littéraire et l'humour froid non dénué de compassion qui ont fait Fromage (Le Castor Astral, 2003) un classique des lettres flamandes et un succès international durable.
Hospitalisée suite à une attaque cérébrale, Josée, la mère de l'auteur, perd l'usage de la parole. Elle souffre d'une aphasie, une perte presque totale de la capacité de s'exprimer. Désormais, elle émet des sons inintelligibles traduisant son désespoir et sa colère d'être incomprise. Ancienne bouchère à Saint-Nicolas, comédienne dans une troupe de théâtre amateur, elle était pourtant connue pour son sens de la repartie et son caractère bien trempé. La langue était son instrument principal, désormais son seul combat est de lutter pour essayer d'émettre quelques syllabes.
À travers ce récit, Tom Lanoye rend hommage à sa mère, une femme forte et inspirante, il se remémore son enfance tout en étant confronté à l'insoutenable, la maladie, le silence et la mort.
Un style puissant. Tom Lanoye manie la langue, joue avec le rythme et bouscule sans cesse les émotions du lecteur.
Par une journée grise et ordinaire, une brève nouvelle apparaît sur Internet : Jésus-Christ va bientôt faire son entrée à Bruxelles. Les Belges accueillent l'information avec sérieux et sérénité. Leur pays est une destination favorite de la Sainte Famille et la Vierge y est plus d'une fois apparue. Les questions se posent cependant : qui aura le privilège d'accueillir le Christ? À qui donnera-t-il ses premières interviews? En quelle langue? Une fièvre de préparatifs s'empare des habitants de la ville, toutes communautés et religions confondues. Seuls les catholiques paraissent inquiets...
En quatorze 'stations' qui sont autant d'humoristiques examens de soi, de la Belgique et finalement du monde contemporain, Dimitri Verhulst nous embarque dans une fable d'une irrésistible drôlerie.
Anvers, 1940. Wilfried Wils, vingt-deux ans, a l'âme d'un poète et l'uniforme d'un policier. Tandis qu'Anvers résonne sous les bottes de l'occupant, il fréquente aussi bien Lode, farouche résistant et frère de la belle Yvette, que Barbiche Teigneuse, collaborateur de la première heure. Incapable de choisir un camp, il traverse la guerre mû par une seule ambition : survivre. Soixante ans plus tard, il devra en payer le prix.Récompensé par le plus prestigieux prix littéraire belge, Trouble interroge la frontière entre le bien et le mal et fait surgir un temps passé qui nous renvoie étrangement à notre présent.Impressionnant. Le Figaro littéraire.Un roman choc, à la narration dure et chahutée. Sans concession. Le Monde des livres.PRIX KANTL 2020.Traduit du néerlandais (Belgique) par Françoise Antoine.
Dans le petit village flamand de Bovenmeer, trois enfants sont inséparables. Un été, alors devenus adolescents, les deux garçons conçoivent un plan : faire se déshabiller devant eux les plus jolies filles du village. Leur stratagème : chaque fille devra résoudre une énigme ; à chaque erreur, elle devra enlever un de ses vêtements. C'est Eva, la troisième du groupe, qui accepte de concevoir l'énigme, sans savoir encore que cette décision la marquera à jamais. Treize ans plus tard, Eva retourne pour la première fois dans son village natal. Cette fois, c'est elle qui a un plan...
Lorsque Stefan Hertmans apprend que Monieux, le petit village provençal où il a élu domicile, a été le théâtre d'un pogrom il y a mille ans et qu'un trésor y serait caché, il part à la recherche d'indices. Une lettre de recommandation découverte dans une synagogue du Caire le met sur la trace d'une jeune noble normande qui, à la fin du onzième siècle, convertie par amour pour un fils de rabbin, aurait trouvé refuge à Monieux. La belle Vigdis est tombée amoureuse de David, étudiant à la yeshiva de Rouen. Au péril de sa vie, elle le suit dans le Sud, commence à prier son dieu et devient Hamoutal. Son père ayant promis une forte somme à qui la ramènerait, des chevaliers se lancent à sa poursuite. Puis les croisés, de plus en plus nombreux sur le chemin de Jérusalem, semant mort et destruction dans leur sillage, s'intéressent à cette femme aux yeux bleus. C'est le début d'un conte passionnant et d'une reconstruction littéraire grandiose du Moyen Âge. S'appuyant sur des faits et des sources authentiques, cette histoire d'amour tragique, menée comme une enquête, entraîne le lecteur dans un univers chaotique, un monde en pleine mutation. Stefan Hertmans nous offre aussi un roman contemporain, celui d'une femme en exil que guide l'espoir.
Quand Stefan Hertmans entreprend la lecture des centaines de pages de notes laissées par son grand-père, il comprend que cette vie-là vaut la peine d'être racontée. Une enfance très pauvre à Gand, le rêve de devenir peintre, puis l'horreur de la Grande Guerre dans les tranchées de Flandre sont les étapes d'une existence emblématique de tout un siècle. Mais l'histoire de cet homme nommé Urbain Martien ne se réduit pas à ce traumatisme et, grâce à son talent de conteur, Hertmans nous fait ressentir à quel point la peinture mais également un amour trop tôt perdu auront marqué l'existence de son grand-père.
Ce récit restitue avec une grande sensibilité un parcours marqué par la césure indélébile que représente la Première Guerre mondiale dans notre histoire collective et individuelle. Stefan Hertmans nous donne à lire une poignante saga familiale et un panorama puissant du siècle dernier.
Londres, 1914. Alors que l'Angleterre vient d'entrer en guerre, le gouvernement fait pression sur les citoyens : ceux qui s'engagent sont élevés au rang de héros, les autres sont des traîtres. John, dix-neuf ans, refuse de s'enrôler, à l'inverse de son meilleur ami Martin, fervent patriote. Bercé par Keats et Thackeray, ce fils de facteur préfère se consacrer à la littérature, loin de la violence du conflit. Mais a-t-on vraiment le choix?
Fresque d'une période où les notions de courage et de lâcheté paraissent soudain floues, Courrier des tranchées raconte le gouffre entre l'exaltation de la guerre et son effroyable réalité.
Lorsqu'ils se rencontrent Paul et Ava sont fraîchement séparés. Paul se remet à peine de son divorce, tandis qu'Ava - éternelle insatisfaite - a quitté son petit-ami pour la énième fois. Naît entre eux une amitié-amoureuse qui s'installe sans heurts, entre confessions, rires et séances de cinéma. Ils se frôlent, se réconfortent et se réparent, mais cette relation sur le fil peut-elle durer ?
Avec Ma petite guerre, récit parsemé de sarcasmes, d'emportements et de clins d'oeil, Louis Paul Boon fait de la littérature un art totalement libre et novateur. Cette chronique de la vie quotidienne en Flandre sous l'Occupation est éclairée par de brèves notations expressionnistes qui provoquent une rupture de la chronologie et une objectivation des faits. Nerveux et efficace, le style souligne la folie de la guerre et, surtout, la cruauté du rôle qu'y jouent les hommes. Cette oeuvre sans concession est un joyau dont l'éclat frappe dès les premières lignes. Elle entraîne le lecteur sous la bannière de Boon, sa Petite guerre s'affirmant tout simplement comme une " guerre à la guerre ".
Le roman Fromage se terminait sur les bonnes résolutions de Laarmans : rester auprès de ses enfants et de sa «chère épouse» et, surtout, plus d'entreprises fromagères délirantes. Le Feu follet est l'itinéraire de ce héros qui guide, dans Anvers, pendant une nuit, trois marins afghans débarqués du Daily Castle à la recherche d'une femme : Maria Van Dam. Laarmans avait prévu de rentrer chez lui, ce soir-là profiter de sa famille près du feu. Mais son esprit d'initiative, lui fait rejoindre ce trio énigmatique qui erre dans la ville. Leur périple est rythmé par des rencontres avec des personnages fantasques et impétueux, qui leur donnent l'occasion de distiller des maximes et des réflexions déroutantes sur Dieu, la boisson et es voyages, Ces quatre compagnons d'une nuit poursuivent la faible lueur de cette Maria Van Dam, s'en approchent, s'en éloignent, et en viennent, comme le lecteur, à douter de son existence même. Ils se sépareront là où ils se sont rencontrés, sur un quai, chacun regagnant son lit et ses voyages, réels ou imaginaires
Frans Laarmans, modeste employé à Anvers, se retrouve représentant d'une entreprise hollandaise de fromages, avec 10 000 boules d'édam stockées dans sa cave ! Bien vite, les désillusions s'accumulent...
Cette satire particulièrement savoureuse du monde des affaires est aussi une évocation brillante des années 1930.
Willem Elsschot observe avec un mélange de compassion et de férocité les faiblesses du genre humain.
« Une femme a` la tombe´e du soir, quelque part dans le Westhoek, un coin d'Europe occidentale. Elle est bien habille´e, d'a^ge moyen, elle marche vers nous avec difficulte´, comme si elle traversait un champ laboure´. Elle ne porte pas de chaussures. Les traces de ses pas brouillent le dessin des sillons, le paysage est gris comme la pierre et plat comme une table d'autopsie ».
Cette femme qui s'avance est la me`re d'un jeune homme coupable d'avoir commis une tuerie de masse sur un quai de me´tro. Gaz est le plaidoyer de cette me`re damne´e, un monologue vertigineux ou` l'amour et la souffrance s'extraient de l'innommable.
Gide´on Rottier intervient quand les autres capitulent. Incendie ? Suicide ? Attentat terroriste ? Et c'est ce be`gue qu'on appelle pour nettoyer les lieux du drame... Son existence solitaire bascule lorsque son patron engage Youssef. Une amitie´ nai^t entre les deux hommes et Gide´on de´cide d'accueillir ce demandeur d'asile, puis sa femme et ses enfants, chez lui. De´marre alors une e´trange mais heureuse vie de famille.
Mais lorsque deux terroristes commettent un attentat meurtrier dans la Gare centrale d'Anvers et que Youssef disparai^t, dans la maison de Gide´on, comme dans tout le pays, c'est le de´but du ravage.
Tom Lanoye prouve encore une fois qu'il sait frapper la` ou` c¸a fait mal. Avec ce nouveau roman, il e´carte les failles, comme autant de plaies be´antes, d'un monde qui se veut libe´ral mais qui se renferme sur lui-me^me. Au fur et a` mesure des pages, avec une force narratrice implacable, Tom Lanoye montre que l'ide´alisme ne peut pas re´sister a` l'injustice et a` la folie, dans un monde qui se de´sinte`gre.