Rentrée littéraire, les libraires lisent et donnent leur avis...
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Emma Fulconis : on ne voit qu'elle à L'Escarène, dans cet arrière-pays niçois où elle est née. Prompte, virevoltante, rebelle à tout, sauf au vent, elle a toujours galopé dans les collines. Enfant déjà, on la surnommait « l'athlète ». Se moquant bien des compétitions, Emma « ne court pas relativement, mais absolument ».
Mais un jour, sa vie bascule : son ami Stéphane Goiran, avec qui parfois elle écoute un peu de musique lors d'une halte, l'invite chez lui. Là, à peine la porte franchie, un chien énorme se jette sur elle, et lui lacère la jambe, ou plus exactement le péroné, également appelé « l'agrafe ». S'ensuivent des mois d'hôpital et de rééducation, à l'issue desquels il est clair qu'Emma ne détalera plus jamais à toute allure.
Mais l'accident ne l'arrête pas dans son élan. Hantée par la phrase du père Goiran expliquant pourquoi il n'a pas retenu son molosse - « Mon chien n'aime pas les Arabes -, elle tente de comprendre ce qu'elle sait déjà, mais dont on ne parle pas. Tenace, elle va surtout trouver en elle la ressource d'un nouveau mouvement, un tremblement d'abord, une oscillation, presque une danse immobile. -
«Finalement, il vous dit quelque chose, notre homme ? Nous arrivions à hauteur de Gonfreville-l'Orcher, la raffinerie sortait de terre, indéchiffrable et nébuleuse, façon Gotham City, une autre ville derrière la ville, j'ai baissé ma vitre et inhalé longuement, le nez orienté vers les tours de distillation, vers ce Meccano démentiel. L'étrange puanteur s'engouffrait dans la voiture, mélange d'hydrocarbures, de sel et de poudre. Il m'a intimé de refermer, avant de m'interroger de nouveau, pourquoi avais-je finalement demandé à voir le corps ? C'est que vous y avez repensé, c'est que quelque chose a dû vous revenir. Oui, j'y avais repensé. Qu'est-ce qu'il s'imaginait. Je n'avais pratiquement fait que penser à ça depuis ce matin, mais y penser avait fini par prendre la forme d'une ville, d'un premier amour, la forme d'un porte-conteneurs.»
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Orpheline, Rose est devenue mère à 16 ans et a quitté sa Corse natale pour rejoindre Toulon, une décision de son mari persuadé qu'ils y trouveront une vie meilleure.
Un matin de 1957, elle rencontre Farida qui vit depuis peu au bidonville de Toulon. Une amitié va naître entre elles qui va changer le cours de leur existence et leur permettre de prendre la mesure du monde qui les entoure. Si les traces de la deuxième guerre mondiale sont tenaces, c'est désormais en Algérie que les combats font rage.
Ensemble, elles vont trouver les ressources nécessaires pour déjouer les règles que leur imposent leur classe sociale et leur condition de femmes. Mais si elles sont toutes les deux françaises, l'une l'est un peu moins que l'autre aux yeux de la société.
En racontant la bouleversante histoire d'une émancipation, Christian Astolfi donne voix à des vies minuscules qui auraient dû rester silencieuses et résonnent pourtant longtemps après la lecture. -
Elles sont quatre : il y a Nene la romantique, Ira la cérébrale, Dina l'idéaliste et Keto l'observatrice. Voisines depuis l'enfance, elles grandissent ensemble à Tbilissi, en Géorgie, au moment où l'Union soviétique s'effrondre et où se pose la question de l'avenir de leur pays. Chacune à leur manière, les quatre amies vont faire l'expérience de l'amour, de l'espoir, de la déception, de la trahison, et être confrontées aux conséquences, dans leur vie privée, de ces événements politiques et historiques qui feront bifurquer à jamais leurs existences. Très attendu après le succès de La huitième vie, ce nouveau roman au souffle épique confirme que Nino Haratischwili est l'une des autrices les plus talentueuses de sa génération. La lumière vacillante nous entraîne aux côtés de personnages féminins inoubliables, mus par la passion et habités par des idéaux qui se heurtent à la cruauté de l'Histoire.
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Pour les oiseaux aussi, c'est la rentrée. Il faut vite enfiler ses chaussures, et hop hop hop, on y va. Mais ce n'est pas l'enthousiasme. Pour la maîtresse non plus d'ailleurs...
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À vingt-sept ans, Miranda semble appartenir à un drôle de club : celui des enfants qui n'ont manqué de rien sauf de cette joie pure, essentielle, que certains ressentent du seul fait d'être en vie.
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Ilaria ou la conquête de la désobéissance
Gabriella Zalapì
- Zoe
- Domaine Francais
- 21 Août 2024
- 9782889074112
Ilaria a huit ans quand son père l'embarque en cavale dans l'Italie du début des années quatre-vingt. Fulvio ressemble à « un guépard nerveux » pense l'enfant tout en chantant des tubes avec lui dans la voiture. Ilaria découvre Trieste, la mer en Toscane, l'internat à Rome. Elle apprend à conduire et à mentir. Observe et ressent tout tandis que son père boit de plus en plus de whisky dans un nuage de fumée. De petits hôtels en aires d'autoroute, l'enfant perd peu à peu l'odeur et la douceur de sa mère. La campagne sicilienne et la vie de ses paysans la sauvent. Ça ressemble à une aventure, mais c'est un enlèvement. Les mots de ce texte sont à hauteur d'enfant, ce que comprend Ilaria, c'est à travers des sensations physiques, au-delà de tout jugement.
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Quand l'ambition et la tradition tuent l'amour...
Boussoura et Seini forment un couple moderne qui vit à Yaoundé. Il est médecin, elle est professeure de littérature. Une famille épanouie jusqu'au jour où tout bascule quand Seini est rattrapé par son passé. Fils de roi, il est appelé à prendre la succession. Malgré les réserves de son épouse, l'attrait du pouvoir est le plus fort. Devenu lamido, commandeur des croyants et garant des traditions et de la religion, il se transforme en roi tout-puissant.
Après Les Impatientes et Coeur du Sahel, Djaïli Amadou Amal nous livre une histoire d'amour bouleversante et romanesque d'une cruelle actualité. Dans Le Harem du roi, elle brise à nouveau les tabous sur le mariage forcé et la polygamie, en dénonçant la servitude en Afrique et en donnant une voix à celles et ceux dont on ne connaît pas l'existence. -
Saison toxique pour les foetus
Vera Bogdanova
- Actes Sud
- Litterature Russe
- 4 Septembre 2024
- 9782330195441
Nous sommes en Russie, la datcha de la grand-mère est toujours le refuge des familles dont parlait Tolstoï, « qui sont malheureuses chacune à sa façon ». Ici les parents ont vu disparaître l'Union soviétique et ont droit, à la place d'un avenir radieux, au capitalisme sauvage et aux attentats terroristes.
Tout commence en 1995, Jénia a onze ans, elle est en vacances chez sa grand-mère où vient aussi son cousin Ilia, qui en a treize. Cinq ans plus tard, ils boivent de l'alcool pour la première fois, se baladent à moto et sortent en boîte... Encore cinq ans et c'est le premier baiser, la certitude d'être faits l'un pour l'autre malgré tous les obstacles. Les temps ont changé, mais pas les mentalités, pas les parents. Il y a aussi Dacha, la petite soeur d'Ilia, mal-aimée par une mère à la beauté ravageuse « qui ne sait pas choisir les hommes » et qui, comme trop de femmes russes, sera victime de violences conjugales exacerbées par l'alcool.
Portrait sans fard d'une époque, paru en 2022, ce roman aux multiples nuances de noir est devenu la référence de la génération Y.
Vera Bogdanova est née en 1986 à Moscou. Autrice de plusieurs romans, traductrice et chroniqueuse littéraire, elle vit aujourd'hui entre la Russie et l'Azerbaïdjan. -
« On dit qu'on ne sait rien à dix-huit ans. Mais il y a des choses qu'on sait à dix-huit ans et qu'on ne saura plus jamais. »
Tout le monde rêve d'avoir dans sa vie un Tully Dawson, le type d'ami qui vous marque à jamais, qui vous rappelle que la vie peut être différente.
Écosse, été 1986. Sur fond de thatchérisme sauvage, un groupe de jeunes gars de la classe ouvrière décide de suivre Tully pour fêter la fin du lycée dans un festival de musique mythique à Manchester, la Mecque du punk rock, de la new wave, de la musique qu'on met à fond ! Ce voyage vibrant sera aussi le début de la vie adulte et la promesse que les passions qu'ils partagent - la musique, le cinéma, l'humour, la provoc - résisteront toujours.
Trente ans plus tard, le téléphone sonne. Tully annonce une nouvelle importante, une nouvelle qui va tout renverser...
Un roman brillant, drôle et émouvant, un hommage à la puissance et à la beauté intemporelle de l'amitié. -
La célébrité est ma vie. Est-ce que j'étais préparée à un tel succès ? Bien sûr que oui.
Cléo grandit dans une famille dont elle déplore la banalité. Dès l'enfance, elle n'a qu'une obsession : devenir célèbre. Au fil des années, Cléo saute tous les obstacles qui s'imposent à elle, arrachant chaque victoire à pleines dents, s'entaillant la cuisse à chaque échec.
À la surprise de tous, sauf d'elle-même, Cléo devient une star mondiale, accumulant les millions de dollars, les villas à Los Angeles et les récompenses.
Bienvenue dans les coulisses de la célébrité, un monde où règnent l'artifice et l'impunité. Célèbre est le récit d'une ascension féroce, brutale et monstrueuse. Un portrait acide et brillant de notre époque. Addictif. -
« Aux confins de la Louisiane, une île porte le prénom de mon père.
Chaque jour, elle s'enfonce un peu plus sous les eaux. »
Il a fallu que son esprit vogue jusqu'à l'Isle de Jean-Charles pour qu'elle se retrouve enfin face à son père. Qui est cet homme à la présence tranquille, à la parole rare, qui se dit sans mémoire ? Pour le découvrir elle se lance dans un projet singulier : lui rendre ses souvenirs, les faire resurgir des objets et des paysages.
Le premier lieu à arpenter est l'atelier où il a amassé toutes sortes de curiosités, autant de traces qui nourrissent l'enquête sur ce mystère de proximité : le temps qui passe et ces grands inconnus que demeurent souvent nos parents. Derrière l'accumulateur compulsif, l'archiviste des vies des autres, se révèlent l'homme enfant marqué par la guerre, l'artiste engagé et secret. Peu à peu leur relation change, leurs écritures se mêlent et ravivent les hantises et les rêves de toute une époque.
À travers cette géographie intime, Hélène Gaudy explore ce qui se transmet en silence, offrant à son père l'espoir d'un lieu insubmersible - et aux lecteurs, un texte sensible d'une grande beauté. -
Professeur harcelé par ses élèves, Barthélémy sombre dans une dépression insomniaque. Il y trouve l'inspiration d'un livre contant ses errances dans la nuit d'un Bruxelles marginal. Le succès fulgurant de l'ouvrage, son adaptation en téléréalité permettent à Barthélémy de prendre sa retraite et de se réfugier à Saint-Idesbald, sur la côte belge, à quelques encablures de la frontière française. Lors d'une promenade, il croise un groupe de réfugiés qui fuient la jungle de Calais. Menés par Aslan, une femme, deux garçonnets jumeaux et un déserteur russe, ayant fui la première guerre de Tchétchénie, espèrent comme tant d'autres traverser la Manche. Pour Barthélémy, cette rencontre est une rédemption. Il va leur venir en aide et retrouver sa vocation d'enseigner. Avec ses amis Van Drogenbos, intransigeant fonctionnaire de l'urbanisme, Charon, ex-pêcheur et douanier, et Zanzibar, qui restaure un vieux Grandbanks, il va organiser la traversée de ses protégés vers l'Écosse. Dans ce roman de rédemption et d'aventures, on retrouve l'univers romanesque de Jean Jauniaux, et le style très visuel qui a valu à une de ses nouvelles d'être adaptée au cinéma. «âeuros%J'ai aimé le mélange du personnel et de l'imaginaire, la multiplicité des langages, l'humour, le sarcasme, la tendresse. Tout cela est profond, sincère et joliment mené.âeuros%» (J-M. G. Le Clézio). Jean Jauniaux est romancier, nouvelliste et poète. Ses livres ont été traduits dans plusieurs langues. Il rédige des chroniques littéraires dans Le Monde, Ulenspiegel, La Revue générale... et réalise des interviews d'écrivains mises en ligne sur différentes webradios. Il a été longtemps rédacteur en chef de la revue littéraire Marginales. Engagé dans la défense de la liberté d'expression et la préservation du patrimoine littéraire, il est président de la Fondation Maurice Carême, président honoraire de PEN Club Belgique et diplômé d'honneur de l'Académie des écrivains ukrainiens.
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Un père solitaire, une fratrie de six, un vieux chien nommé Moroï. À quelques kilomètres du centre-ville de Bucarest, les Serban habitent une cabane au bord d'un lac où la nature a depuis longtemps repris ses droits. Sasho, Naya et leurs frères traquent les poissons dans la rivière Dâmbovi?a, apprivoisent les mots des poètes dans les livres de tante Marta, assumant le choix âpre et singulier d'une vie en marge. Jusqu'au jour où les autorités, pour créer une réserve naturelle, les somment de quitter ce coin d'eau et de terre, le plus beau qui soit, le leur.
Inspiré d'une histoire vraie, Ceux du lac raconte l'impossible adieu d'une famille tsigane à un royaume désormais interdit. Au coeur des contradictions de la Roumanie contemporaine et d'une époque qui confisque au prétexte de sauvegarder, les Serban ne peuvent ni s'adapter ni complètement résister. Reste une ultime promesse, lumineuse : celle faite par Sasho à sa petite soeur Naya de marcher dans les traces des bisons des Carpates.
Convoquant tour à tour le réalisme et l'onirique, le burlesque et le tragique, la poésie et le folklore, Corinne Royer écrit un roman brûlant, porté par un amour profond de la nature et des mots, qui bouscule notre lien à l'autre et au sauvage.
Corinne Royer vit dans le parc naturel régional du Pilat, au sud de Saint-Étienne. Ceux du lac est son sixième ouvrage, après Pleine terre (Actes sud, 2021), lauréat du prix Mouans-Sartoux du Livre engagé pour la planète. -
Chemin des brigands logent dix familles, la plupart issues du Maghreb, dans un lotissement ouvrier bâti à côté d'une usine de textile. En marge du village, de ses bars, de son église, de sa ferme et de son lama, voici leur histoire. On s'attache à Bassou, fils chéri de Lalla, qui grandit sans trouver sa place au bourg ni chez ses cousins de banlieue, ainsi qu'au clan des filles, Olfa et Jihane en tête, dans leurs velléités d'émancipation des moeurs familiales et d'intégration à la grande ville. Ce roman vrai d'un micro quartier populaire, de la dimension du mythe, se lit comme une enquête, avec tous les éléments de l'harmonie comme de la discorde, sans que ses habitants, confrontés au miroir social, ne sachent jamais s'ils sont des brigands ou des perdants. Un hymne à la joie, musical et charnel.
« Quand leurs enfants partirent du village, Hassan leur prescrivit de ne pas oublier leurs origines mais, avec le temps et la façon de leur père de si bien composer, ils ne surent pas s'il parlait de l'Algérie ou du Lotissement. »
Dalya Daoud a été onze ans rédactrice en chef de Rue89Lyon qu'elle a créé en 2012. Avant cela, elle a été journaliste politique et culture. Mais aussi, durant ses études, vendeuse de lingerie, serveuse dans un restaurant gastronomique, ouvrière dans une usine de cataphorèse puis dans une autre de production de dialyseurs. Challah la danse est son premier roman. -
L'affaire Magali Blandin : histoire d'un désastre familial.
Février 2021, Magali Blandin disparaît. Un mois plus tard, son cadavre est découvert dans le bois de Boisgervilly (Ille-et-Vilaine), à proximité de son domicile. Mère de quatre enfants, Magali a été assassinée par son mari.
Caryl Férey se penche sur ce féminicide aux ramifications multiples pour comprendre et ne pas oublier, car " Magali n'est pas anonyme, elle est toutes les femmes. "