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Et dire que Nietzsche est devenu, en l'espace d'un siècle, le philosophe pour intellectuels à bonne conscience. Ceux qui rêvent d'un Nietzsche qui ne serait pas Nietzsche. Ceux qui veulent à tout prix le politiser, de droite comme de gauche. Ceux qui crient au génie, quand ils dédaignent pompeusement les penseurs de leur temps, « qui ne seront jamais à la hauteur ». L'ironie, c'est que ces amoureux des modes intellos et germano-pratines n'auraient pas publié Nietzsche. Lui qui s'est bien souvent fait auto-imprimer... Comme ce fut le cas d'Ainsi parlait Zarathoustra. Que le philosophe au marteau paya en partie de ses propres deniers.
Il faut, néanmoins, leur trouver de bonnes excuses. Excuses qui sont d'excellentes raisons de lire le Zarathoustra. La première est que le texte est déroutant. Ce n'est pas un roman, avec une histoire. Ni un poème, avec des vers. Ni une épopée, avec des guerres. Ni des aphorismes, avec des numéros... C'est irréductible à quoi que ce soit. C'est de l'art. Et de la philosophie en même temps. Allez chercher un sens rationnel, du prêt-à-penser, facile à lire car classable, dans cette grande bible dont le personnage principal est une sorte de prête perse.
La deuxième excuse, donc, est que la signification, tout comme la forme, échappe au lecteur. D'ailleurs, Nietzsche avait prevenu dans son sous-titre : Un livre pour tous et pour personne. Un livre « ouvert » à tous les vents. A toutes les interprétations. Ainsi le bestiaire qu'on trouve dans l'oeuvre est-il un hymne à la force ou alors un éloge de la douceur. C'est selon.
Et c'est vrai, la véritable élégance de Zarathoustra est de se poser dans l'entre-deux. Il est celui qui doit réparer son erreur, celle d'avoir un jour divisé le monde en bien et mal. Le retour du prophète, c'est la fin de la morale. Pour cela, il descend de sa montagne enseigner le Surhomme. Et soudain, les contraires ne s'opposent plus, mais ne s'unissent pas non plus. Le monde est un oxymore. Le philosophe, un poète. La tâche du Zarathoustra, nous le faire accepter.
La présente édition reprend celle du Mercure de France, en 1903, d'après une mise en français de Henri Albert, le grand traducteur de Nietzsche à la fin du XIXe siècle.
Ce livre s'adresse à ceux qui aiment l'ésotérisme bien vécu, comme l'endroit d'un envers exotérique, à savoir le Nietzsche grand public. Le verso que l'on ne fait que vous montrer de loin. Une certitude : la lecture de ce livre ne vous laissera pas indemne. -
Voici le livre. Ecce librus. Certainement, l'un des ouvrages les plus discrets et les plus brillants de l'oeuvre du philosophe au marteau. Discret, car les savants sont passés par là. Avec leurs folie et furie du classement, de la caractérisation, de la rationalité, qui ont fait de Ecce homo un texte inclassable et dérangeant. Brillant, car Nietzsche y donne tout, lui-même, sa dernière salve, l'ultime attaque portée au système. A commencer par le style. Un style qui vous vaut d'emblée la mise à l'index de l'Université. Pas de plan en trois parties : le crime ne souffre aucune tolérance.
Alors que retenir de ces dernières paroles du philosophe, avant la démence, avant la première mort, en janvier 1889? Et bien, que Nietzsche y formalise un genre philosophique, celui de l'autobiographie philosophique. Il emboîte le pas à Montaigne et bien avant lui, au biographe des sages antiques, Diogène Laerce. Mais ce qui était à l'état embryonnaire ou de tentative, il le fait accéder au rang de type.
L'existence du philosophe devient un objet pour le philosophe lui-même. On retrouve la fidélité de Nietzsche à l'un de ses concepts les plus précieux, donné déjà dans Par delà bien et mal : toute oeuvre est la confession d'un corps. Si cher à Michel Onfray, ce nouveau Nietzsche normand.
Ainsi les actes ne souffrent-ils pas d'exceptions. Ce sont eux qui font oeuvre. Et non le texte. Mais dans une relation tragique, contre la morale des religions, le moi se dégage peu à peu de la mécanique implacable de responsabilité. Je suis libre de dire un grand "oui" à la vie. Et je ne suis coupable de rien. Charge à moi de faire de ma vie une oeuvre d'art. De devenir ce que je suis. Contre vents et marées. Avec symbiose avec le fatum lui-même. -
28 ans. Brillant professeur à l'université de Bâle. Nietzsche en un seul livre va pulvériser sa carrière. Le genre d'acte qui met d'accord un homme avec lui-même. Le genre de "geste" qui dit la valeur de celui qui ne triche pas. Ce texte, c'est la Naissance de la Tragédie. Et alors que, bien souvent, le discours professoral est dicté par l'avancement carriériste - on ne contredit pas son directeur de thèse - Nietzsche met les pieds dans le plat. Sans honte ni crainte. Comme on se bat en duel. Pour l'honneur.
Ce sens de la grandeur, c'est l'une des raisons de lire La Naissance de la Tragédie en ce début de siècle. Bien que l'étude du Grec ait disparu de nos lycées, et que celle du Latin s'amenuise, inéluctablement, telle la peau de chagrin, Nietzsche propose une philosophie fondée sur la philologie. Une pensée par la langue. La phraséologie comme substrat conceptuel. Et si la méthode choque encore aujourd'hui, on peut imaginer la réaction parmi les confrères de cette année 1872. Bien rares seront ceux à le soutenir. Wagner prendra le risque.
L'autre coup de poing qu'assène Nietzsche au système universitaire, c'est la seconde mort de Socrate. La première, on la connaît, la ciguë, le bourreau, le coq d'Esculape, les pieds froids d'un Socrate plus stoïcien que platonicien. La seconde, c'est lorsque Nietzsche faisant de Socrate le double philosophique du tragique Euripide, identifie le penseur préféré de l'Université à l'empoisonneur de la philosophie : à partir de Socrate, le seul véritable objet, voire obsession, de la pensée, devient la Vérité.
Tragédie vulgaire que celle qui donne à voir la mort de la pensée tragique face à l'avénement du rationalisme. Face à la modernité. Tragédie pléonastique. A rebours, chez Eschyle, la vie, à travers le héros, produisait le drame. Les forces en présence é -
Qui, parmi les philosophes contemporains, peut se targuer d'avoir publié un livre à compte d'auteur, ordonné un tirage à 140 exemplaires et n'avoir jamais pu en vendre qu'à ses amis proches, lesquels trouvent d'ailleurs le livre mauvais? Bien peu à l'exception de Friedrich Nietzsche, lors de la publication de Par delà le bien et le mal en 1886. Qu'est-ce que cela signifie-t-il? Que l'ouvrage est un véritable chef-d'oeuvre. Car, c'est le propre du génie de n'être guère compris en son temps. Par exemple : sur la question de la liberté, Nietzsche déjoue toutes les attentes. Il est contre le concept de libre-arbitre. Mais ne goûte guère l'explication déterministe. La vie? Une sorte de tragédie joyeuse, où tout est possible dans les limites d'un jeu où tout est déjà joué d'avance. Sans cesse dans l'entre-deux et non dans la synthèse, si chère aux hégéliens, Nietzsche déroute autant qu'il déboute les mandarins. Cela fait de ce texte un modèle du genre. D'autre part, Par delà le bien et le mal est un texte à (re)lire sans attendre, car il est à jamais irrécupérable. Penser le monde sans catégories morales est un exercice effrayant. Angoissant et pétrifiant. Dément et violent à la fois. Et nécessaire. A chaque aphorisme, le message s'enfonce en peu plus dans notre chair flasque et inerte d'apôtre du bien, de portefaix de l'humanité : la morale, c'est fait pour les esclaves. La présente traduction de Henri Albert a été faite sur le septième volume des OEuvres complètes de Fr. Nietzsche, publié en novembre 1894 chez C. G. Naumann & Leipzig, par les soins du «Nietzsche-Archiv». Ce livre s'adresse aux bien-pensants de tous bords : bobo ou golden boy, yuppie ou métrosexuel, votre grande chance est là sous vos yeux. Il suffit de tourner les pages...
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Aurore, comme son titre ne l'indique surtout pas, est un livre cruel. On se dit, « ce coup là, le philosophe-artiste a fait dans la métonymie : l'aurore, c'est la philosophie de l'avenir, la philosophie nouvelle débarassée des préjugés moraux... ». Moi, lecteur révolté et dissident, j'y vois le bréviaire du contestataire, les aphorismes de l'insurgé de service. Hélas, au risque de décevoir les plus exaltés d'entre-nous, Nietzsche, encore une fois, ne nous caresse pas dans le sens du poil. Et c'est bien là sa cruauté. En presque six cents maximes, le philosophe au marteau, sort l'artillerie philosophique lourde et tire à bout portant sur l'idéologie qui fonde notre société, et avec elle, notre système de valeurs, auquel nous sommes si attachés. Cruauté d'arracher à l'homme, tel à un enfant gâté, ses jouets les plus chéris, mais qui sont le principe même de sa corruption. Cruauté de nous priver des fondements moraux les plus assurés et de nous contraindre d'assister à leur disparition. Cruauté de te jeter dans les couloirs du temps, dans l'intemporel, contre les modes et les tendances, orphelin de toute métpahysique, pour ta résurrection. Et c'est bien là le sens du recueil. Des propositions pour une renaissance. Des préceptes fondateur d'une nouvelle humanité, au-delà de la morale, au-delà du christianisme, de la démocratie, des droits de l'homme, et avec eux, du chorus des vertus traditionnelles : justice, tempérance, tolérance, générosité, honnêteté... L'Aurore est donc ce moment douloureux et éclatant où l'individu, aveuglé par la puissance du soleil, doit se lever, les membres encore fourbus, le corps exténué de son sommeil dogmatique, l'esprit anéanti par un éternel coma rationnel. La présente édition reprend la traduction de Henri Albert, faite sur le quatrième volume des OEuvres complètes, publié en 1894 par le Nietzsche-Archiv, chez C. G. Naumann, à Leipzig. Ce livre s'adresse à ceux, qui, fébriles devant le monument poético-philosophique du Zarathoustra, trouveront une approche plus pédagogique de la philosophie de Nietzsche.