C'est le nom d'un bout de l'autoroute qui relie Paris à Saint-Pair-sur-Mer, dans la Manche, et tous mes souvenirs.
Je l'ai enfin suivie plus loin, jusqu'en Bretagne, pour y retrouver un témoin de la mort accidentelle de mon petit frère, à l'âge de deux mois : une Bretonne qui avait vingt ans lorsqu'elle a découvert Paris en 1968, s'y est fabriqué des souvenirs et cherche encore, elle aussi, la vérité sur cette mort.
"Un escape game, c'est comme la vie. Surtout lorsque cette vie (la mienne) est d'abord un lieu, une maison aux multiples pièces, toutes encombrées de souvenirs et peuplées de fantômes. Dans chacune de ces pièces, les traces vous racontent une histoire, les objets vous soumettent des énigmes, les morts vous confient des missions."
Après la mort de mon père, j'ai trouvé en rangeant ses papiers des documents sur sa grand-mère dont j'ignorais tout et qui révélaient un secret de famille. Je ne me suis jamais intéressée aux ancêtres de personne : les gens que je ne connais pas, surtout s'ils sont morts, me sont cent fois plus étrangers, même s'ils me sont apparentés, que les personnages de romans. Mais il y avait dans ce que je découvrais sur cette arrière-grand-mère des choses qui me plaisaient, d'autres que j'aurais voulu savoir. J'ai hésité à enquêter. Ce livre est le résultat de mes hésitations.
Automne 1952 : dans un château délabré de l'Eure, Éric Rohmer tourne Les Petites Filles modèles. C'est son premier long métrage. Presque achevé, jamais sorti au cinéma, il a disparu.Printemps 2016 : Sophie, une prof d'université à la retraite spécialiste de la comtesse de Ségur, et Paul, un jeune homme qui consacre sa thèse à des films introuvables, traversent ensemble la Normandie à la recherche de traces, de témoins, d'explications : Joseph Kéké, l'étudiant béninois qui a produit le film, a-t-il vraiment cassé une dent à une strip-teaseuse poétesse ? À quoi servent les châteaux en ruine ? Quel rapport entre la comtesse de Ségur, Éric Rohmer et le cinéma érotique des années 1970 ? Chemin faisant, c'est avant tout sur eux-mêmes que Paul et Sophie enquêtent.
Juillet 1911, une matinée d'été dans la campagne anglaise. Edward Sanders marche le long de la rivière. Il rentre chez lui, mais personne ne l'y attend. Ni Susan, ni les enfants. Tous le croient en ville, sagement assis à son bureau. Susan Sanders parcourt les rues de Londres. Personne ne sait qu'elle s'y trouve. Pas Edward en tout cas. Elle va lui faire une surprise, aller le chercher à l'étude, pénétrer dans cet immeuble inconnu où il passe ses journées. Aujourd'hui, elle a un secret à lui confier. Pour tous les deux, c'est une journée particulière. Au rythme de leur promenade, au fil de leurs souvenirs, reviennent en foule les fantômes d'une époque disparue : débutantes promises à la noyade ou à la folie, duchesses suffragettes, scandales étouffés, excentriques sacrifiés. C'est l'heure anglaise, l'heure où se réveillent les fastes de la Riviera et les enfances solitaires, les bibelots victoriens et leurs fêlures.
La veuve d'un milliardaire américain achète la plume d'une autre pour vomir son passé, pour livrer, à rebours, le secret de ses fuites successives. Sa biographe ressasse une année de fêtes monotones, et mêle à son récit la chronique de ses vingt ans. Pas de sang, juste de l'encre. Pas de cadavre, mais une confidence à quatre mains, entièrement réversible. Un polar dont l'enjeu n'est pas l'identité de la criminelle, mais de la narratrice. Les preuves sont là. Il n'y a qu'à lire, avec précaution (lignes à haute tension - courant alternatif).
Le temps de ce livre se situe dans quelques années, lorsque les désordres climatiques s'aggraveront, lorsque le niveau des océans se fera menaçant. La mer monte, grignote lentement certaine partie de la côte normande, engloutira bientôt les quelques villas perchées sur la falaise. Ce jour-là, la seule survivante des trois familles de vacanciers qui y ont partagé tous leurs étés veut voir la dernière vague. Revenue sur cette plage clandestinement, elle s'accroche à sa maison, à ses souvenirs. À ceux qui sont morts, elle prête sa voix, fait revivre les derniers instants de chacun. Leurs destins se croisent, rencontrent le sien, sa propre histoire affleure au fil des confidences qu'elle livre à une interlocutrice silencieuse. Pour différer la disparition de ce décor familier et la sienne propre, elle fait de sa mémoire une digue, un barrage : que restera-t-il de ces résidences secondaires, des mesquineries, du goût des crevettes grises, des préjugés bourgeois, des bains de minuit, des vies réelles et imaginaires, à la toute fin?
«J'aurais dû m'en apercevoir dès le début : la première fois que je l'ai vue, le soir où elle a débarqué sur l'île avec ma mère et s'est encadrée dans la porte-fenêtre, éblouie par le décalage horaire et le coucher de soleil, tout coïncidait, tout concordait. Nous reproduisions déjà à notre insu la situation de départ de ce vieux bouquin de James que, comme tous les étudiants américains, j'avais lu à la fac quelques années plus tôt. Sur le moment je n'ai rien compris. Mais maintenant j'en suis sûr : sa personnalité, sa vie, ses voyages, ses amis, les hommes qui l'ont aimée, celui qu'elle a épousé, ses enfants, ses deuils, tout a été écrit, imaginé il y a un siècle. Je ne suis pas superstitieux. Je ne suis pas fou. Je ne crois pas au destin. Mais le sien imite exactement celui d'un personnage de roman qu'elle ne connaît même pas. Et qui se termine par ma mort - je veux dire la mort de mon modèle, Ralph. Elle, l'héroïne, on ne sait pas ce qu'elle va devenir. Mais je peux peut-être déjouer cette espèce de malédiction. Je n'ai plus beaucoup de temps, je sais ce qui me reste à faire.»
Pourquoi Ann Hellbrown a-t-elle brusquement décidé d'arrêter d'écrire après la noyade de son mari? Pourquoi s'est-elle exilée en Angleterre et n'a-t-elle jamais, jusqu'à sa mort en 1912, rompu son voeu de silence? De quoi est-elle coupable? Une poignée d'universitaires, plus ou moins excentriques, plus ou moins convaincus du sérieux de leur mission, sont réunis par un colloque consacré à la romancière. Dans une petite ville de l'ouest de la France où elle vécut jadis, et dans sa maison même, un manoir à peine rattaché à la côte par une jetée que les marées submergent, ils échangent points de vue - et plus si affinités - forment des hypothèses littéraires et des projets amoureux. De chercheurs, ils se transforment en détectives. Ils ont quatre jours pour mener l'enquête sur la disparue. Leurs témoignages croisés, ainsi que d'autres pièces mystérieusement versées au dossier à leur insu permettront au lecteur de juger. Au rythme des vagues qui menacent le manoir, dans ce va-et-vient qui mêle satire des moeurs universitaires et plongée dans une intimité d'un autre temps, entre aujourd'hui et hier, les secrets engloutis referont surface.
Le Motif dans le tapis de James, Citizen Kane de Welles, Vertigo d'Hitchcock, Blow up d'Antonioni, et d'autres encore : tous les films, tous les romans étudiés ici reposent sur une énigme qu'ils n'élucident pas tout à fait. Ils résistent aux questions qu'on leur pose. Pourquoi aime-t-on croire que la vérité réside dans des objets d'art - modestes (un jouet, un tapis), ou prestigieux (tableaux, dessins, photographies prêtés à des artistes fictifs) ? Qu'est-ce qui, au juste, leur confère la valeur d'objets d'art ? Est-ce le secret qu'ils sont supposés recéler, et exhiber, et qu'ils gardent pourtant ? Reflètent-ils une autre vérité ? Celle des oeuvres qui les contiennent ? Montrent-ils, en suspendant indéfiniment la révélation du sens, que seul compte le plaisir de sa quête ?
À défaut de réponses, ce parcours permet de découvrir des correspondances. Toutes ces oeuvres sont des enquêtes dont l'objet est une vérité qui se cache, et parfois se révèle dans une image ; leur sujet est leur inachèvement. Cet essai est une enquête dont l'objet est une vérité qui se cache, et parfois se révèle dans une image ; son sujet est son inachèvement.