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Sam Tahar semble tout avoir : la puissance et la gloire au barreau de New York, la fortune et la célébrité médiatique, un « beau mariage »... Mais sa réussite repose sur une imposture. Pour se fabriquer une autre identité en Amérique, il a emprunté les origines juives de son meilleur ami Samuel, écrivain raté qui sombre lentement dans une banlieue française sous tension. Vingt ans plus tôt, la sublime Nina était restée par pitié aux côtés du plus faible. Mais si c'était à refaire ?
À mi-vie, ces trois comètes se rencontrent à nouveau, et c'est la déflagration...
« Avec le mensonge on peut aller très loin, mais on ne peut jamais en revenir » dit un proverbe qu'illustre ce roman d'une puissance et d'une habileté hors du commun, où la petite histoire d'un triangle amoureux percute avec violence la grande Histoire de notre début de siècle. -
« Longtemps j'ai pensé que le jour où je parviendrais à publier un livre sur mon père, je cesserais définitivement d'écrire. » Ecrire sur son père : tel est le contrat signé par la narratrice avec un grand éditeur. Mais comment aborder ce personnage aux masques toujours différents, aux zones d'ombre opaques ? Comment présenter cet homme-caméléon, Juif d'origine, mais qui s'engagea auprès de la cause palestinienne, époux et père en apparence convenable mais qui entretint sous le toit familial une relation adultère, chirurgien renommé mais qui, contre toute attente, mit fin à ses jours ? Pour venir à bout de cet ouvrage impossible, la narratrice va se glisser dans la peau d'un personnage fictif, Adam, fils imaginaire qu'elle a toujours rêvé d'être et auquel elle va progressivement s'identifier. A travers ce regard masculin se dessine alors le portrait tendre et amer d'un père à la personnalité multiple : charismatique au point d'en être dominateur, doté d'un caractère imprévisible, séducteur invétéré, comme en témoigne sa liaison avec une jeune Russe, l'énigmatique Elena... Parallèlement au tableau qu'elle dresse de cet homme en quête de paternité, la narratrice se laisse entraîner dans une relation passionnée avec son éditeur : entre répulsion et domination, cette liaison va permettre de révéler les secrets d'une vie baignant dans le mensonge et l'illusion, dans laquelle s'enchevêtrent engagement politique, refus de la judéité, corruption, trahison, tabous sexuels. Vrai et faux, chimère et réalité, passé et présent s'entremêlent ainsi en un ballet trouble savamment orchestré par l'auteur, qui, au même titre que ses personnages, exerce une véritable domination sur son lecteur.
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« Dans l'anonymat d'une chambre d'hôtel, l'une des femmes les plus puissantes d'Allemagne se donna à un homme dont elle ne savait rien, qu'elle n'avait vu que deux fois dans sa vie... »Mais au bout de quelques mois, l'homme menace de révéler à la presse leur liaison : tous leurs ébats ont été filmés. Juliana Kant la milliardaire dénonce le gigolo. On l'emprisonne, la morale est presque sauve.Une affaire de moeurs chez les riches ? Une liaison amoureuse qui tourne au chantage sordide ? Karine Tuil, dans son roman le plus troublant, dévoile l'arrière-monde de cette aventure risquée : qui est à l'origine d'une telle fortune allemande ? Pourquoi le grand-père de Juliana, premier mari de Magda Goebbels, et militant nazi, n'a-t-il pas été arrêté à la Libération ? Sait-on que le père d'adoption de Magda était un juif qu'elle a renié puis laissé mourir ? Pourquoi les Kant ont-ils gardé le silence sur leurs activités industrielles sous le Reich ? Et si humilier sexuellement la jolie bête blonde était une forme de vengeance ? Les fils ont-ils d'ailleurs reconnu la faute des pères, les vivants ont-ils pardonné aux morts ?
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« Du plus loin que je me souvienne, je me suis toujours sentie en situation irrégulière. Il me semblait qu'à tout moment quelqu'un pouvait surgir chez moi en hurlant : Police ! Contrôle d'identité ! Et me contraindre à le suivre. C'était absurde, personne n'avait songé à me mettre à la porte, mon casier judiciaire était vierge et je n'envisageais aucune action terroriste ».
La narratrice, un écrivain français de trente ans, est arrêtée par erreur avec des immigrés clandestins lors d'un contrôle d'identité sauvage. Mi-fascinée, mi-voyeuse, elle décide de se faire passer pour une immigrée roumaine et devient malgré elle victime de la machinerie bureaucratique. Placée dans un centre de rétention administrative de la région parisienne, elle découvre ces immigrés séquestrés qui tournoient dans l'attente hébétée d'une décision du juge : libération ou renvoi au pays, la tour de Babel des langues et des codes, le racisme entre noirs et arabes, la course à l'identité, n'importe laquelle, pourvu qu'on vous laisse en paix. Là-bas, elle va connaître des sentiments contradictoires, entre amour et crainte, pour un clandestin séducteur et manipulateur? Mais ces exilés la ramènent à son propre statut : fille d'immigrés juifs, née en France, elle s'est toujours sentie en situation irrégulière.
Sur ce sujet ô combien d'actualité ! Karine Tuil pose les bonnes questions : pourquoi cherchons-nous à être aimés quand il suffirait qu'on nous tolère ? Quel prix à payer pour avoir la certitude d être français ? Sommes-nous tous des immigrés ? L'auteur, qui a eu exceptionnellement accès au centre de Roissy, a écrit ici un roman coup de poing, bouleversant d'inquiétude, à mi-chemin entre le pamphlet et la lettre d'amour aux siens. Un livre où Karine Tuil s'obsède à traquer l'assimilation impossible à la Douce France. -
« Je m'appelle Saül Weissmann, mais ne vous fiez pas à mon nom qui n'est pas juif en dépit des apparences. J'ai été, pendant soixante-dix ans, un imposteur pour les autres et pour moi-même. »
Ainsi commence la confession du narrateur, un vieux survivant d'Auschwitz qui apprend de la bouche d'un rabbin qu'il n'est pas juif selon la Loi de Moïse. Traqué en tant que juif pendant la guerre, le voilà rejeté par les siens et ignoré par la femme qu'il devait épouser. Saül Weissmann se trouve en proie à une véritable crise identitaire : un autre Weissmann, son double issu de la négation de sa judéité, surgit en lui-même. S'engage alors un dialogue difficile entre ce juif et ce non-juif qui cohabitent en lui. Pour Weissmann, c'est le début d'un long questionnement : quelle identité doit-il revendiquer ? -
« Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours admiré les clowns, les humoristes, les antihéros, les faux atrabilaires, les ironiques, les cyniques et les provocateurs. Le rire est transgression. » A cette liste Karine Tuil devrait ajouter le personnage du « looser » désenchanté, lâche, affabulateur et mauvais fils qu'est le héros (anti-héros serait plus juste) de son dernier roman, Jérémy Sandre dit Jerry Sanders. Humoriste exilé volontairement à New York pour s'y produire dans une « stand up » comédie, ce maladroit cumule les handicaps : français habitant dans le quartier arabe après le 11 septembre, donc réduit à la portion congrue de la société du spectacle, fiancé à une fille de l'Est, père d'une jeune fille belle comme le péché, dont il ne s'est jamais vraiment occupée. Dégringolant l'échelle sociale plus vite qu'il ne l'a jadis escaladée, Jérémy s'installe dans l'imposture en faisant croire aux siens, à distance, que l'Amérique lui fait un accueil triomphal. Finalement contraint de revenir en France, sa parentèle va finir de l'exaspérer. Jusqu'au meurtre d'un ancien associé, personnage vil et corrompu, dans des conditions dont on ne dira rien ici. Quand le livre s'ouvre, Jérémy est emprisonné. De sa cellule où il attend le jugement et la délivrance, Jérémy comme Job se lamente, partagé entre le grinçant de la comédie et les larmes de l'échec programmé. Karine Tuil a écrit avec une virtuosité inégalée le roman du rire et de l'oubli. Tel un personnage de Saul Bellow, Jérémy prend la terre entière à témoin de l'impasse existentielle où il est réduit par sa faute. N'ayant plus rien à perdre, il préfère en rire. Nous aussi, d'ailleurs.
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Deux frères la trentaine passée, issus d'une même famille de la petite bourgeoisie, père traducteur de l'espagnol, mère enseignante, Arno et Vincent, pareillement élevés dans la religion du Livre, le respect des mots, sans vanité ni ambition : pourtant tout les oppose. Vincent, désormais « trader » indifférent jusqu'au cynisme, amateur de chaussures féminines jusqu'au fétichisme, adore les signes extérieurs de la réussite, les objets onéreux, les amours tarifés. Il se présente ainsi : « j'étais un polygame contrarié, bientôt père ». Arno, le frère aîné, l'autorité de tutelle malgré sa pauvreté, est devenu écrivain, réservant aux lecteurs de ses deux livres (Le Tribunal conjugal et Le Tribunal familial) la primeur de tous les vices de Vincent, ses frasques, ses liaisons, son caractère odieux. Arno est l'espion, le délateur, le juge : les frères ennemis ne se parlent plus que par avocat interposé mais continuent de se détester. « Je ne savais pas rompre avec mon frère » dit Vincent. Jusqu'au jour où la maladie neuronale de leur père, sa réification progressive, ne les incite à renouer l'impossible dialogue au chevet d'un homme jadis voué à la langue qui ne parvient plus à assembler les mots. C'est alors comme s'ils perdaient dans le labyrinthe névrotique de leurs émotions d'enfants, que le financier en apparence insensible découvre bien des choses : la vraie nature de son frère ; le visage inconnu de son père ; de quoi sont capables les femmes quand elles souffrent ; ses propres sentiments pour une brune espagnole surgie du passé. A moins que tout ne soit que littérature !
Alternant le ton d'un comique sans illusions qui montre les humains menés par leurs vices, le sexe et l'argent, avec l'écriture d'une tragédie familiale aux secrets émouvants, détournant pour mieux s'en moquer les codes de l'autofiction, Karine Tuil a composé un fort habile livre-gigogne, tout en dévoilements et en fausses surprises : une sorte de suspense familial, où nul n'est gardien de son frère, et qui puise sa force au plus profond de la haine et de l'amour.