Don, échange, partage : voici le grand livre de l'altruisme et de la coopération. Que se passe-t-il quand vous recevez un cadeau ou que vous donnez quelque chose ? Pourquoi certains objets reçus (lettres, cadeaux, etc.) nous paraissent-ils sacrés ? D'où vient la gêne que nous éprouvons parfois quand on nous offre quelque chose ? L'essai le plus connu du père de l'anthropologie sociale - un essai que Claude Lévi-Strauss jugea "révolutionnaire".
Préface de Baptiste Mylondo, philosophe et économiste.
Texte phare des sciences sociales, l'Essai sur le don, publié en 1925, a immé-diatement suscité de nombreux commentaires. Ouvrant la sociologie durkhei-mienne à l'analyse ethnographique, il inscrit les sociétés du Pacifique, du potlatch amérindien à la kula mélanésienne, en dialogue avec la culture occidentale. Dans sa présentation, Florence Weber le situe dans l'histoire scientifique et poli-tique du xxe siècle, et propose au lecteur d'explorer l'archipel méconnu de ce que l'on appelle les « prestations sans marché ». Parce qu'elle place les notes savantes en fin de texte, cette édition, que re-commandait Marcel Mauss, simplifie considérablement la lecture.
Jusqu'où le corps peut-il être un outil ? Nager, marcher, courir, faire l'amour, jardiner ou bricoler, donner naissance ou méditer : ces gestes et postures ne sont pas les mêmes d'une société à l'autre, d'une époque à l'autre, d'un âge à l'autre, ou selon qu'on est un homme ou une femme ; ils n'ont pas non plus le même sens et ne se transmettent pas de la même façon. Mauss, le premier, s'est attardé sur eux ; Bourdieu y puisera la célèbre notion d'habitus. Un classique, préfacé par David Le Breton, et suivi de deux essais : l'un qui montre que nos sentiments ne sont pas spontanés, l'autre qui s'interroge sur notre goût du risque et nos difficultés à voir la mort en face.
L'ouvrage regroupe cinq textes majeurs de Marcel Mauss, rédigés entre 1921 et 1938, qui explorent la possibilité d'une coopération entre psychologie et sociologie à partir de l'analyse précise d'une documentation ethnographique et historique. Depuis l'expression obligatoire des sentiments dans les cérémonies funéraires australiennes jusqu'à l'histoire de la notion de personne comme catégorie de l'esprit humain, en passant par l'étude du rapport des individus à l'avenir dans différents contextes socio-historiques et par la genèse sociale des relations de hiérarchie et de rivalité, Mauss a tenté de construire avec les psychologues et les anthropologues de son temps, généralement formés en médecine, un modèle de l'homme bio-psycho-social avant de se tourner vers la psychologie historique et l'histoire des techniques. Cet ouvrage montre l'apport décisif de Marcel Mauss à la psychologie sociale.
Texte méconnu, Mauss en ayant sans cesse repoussé la publication, La prière fait suite aux études de Mauss sur le sacrifice et la magie et constitue une charnière avec son célèbre Essai sur le don (1925). La prière est un rituel, dans la foulée du sacrifice où le collectif agit par l'intermédiaire du prêtre, et de la magie, où un individu agit pour le compte d'un autre, mais elle diffère pourtant fortement. En effet, celui qui prie peut prier seul en s'adressant directement aux dieux, même si les professionnels accompagnent ou aident les fidèles. Et elle est un « rite oral », c'est-à-dire un rituel qui agit par l'intermédiaire de la parole et non du geste, qui tisse le collectif (en jeu dans le sacrifice) et l'individuel (en jeu dans la magie) dans des modalités différentes selon les contextes historiques. Ce texte fondateur de l'anthropologie sociale trouve sa place dans la continuité de l'édition critique des oeuvres complètes de Mauss menées par les Puf depuis plusieurs années.
Marcel Mauss a enseigné de 1926 à 1939 à l'Institut d'Ethnologie de l'Université de Paris-I-Sorbonne. Il n'a malheureusement pas pu rédiger ses Instructions d'ethnographie descriptive, mais la sténotypie du "cours de Mauss " nous en restitue toute la richesse d'informations, la rigueur dans l'analyse des faits, la force intellectuelle. Des techniques du corps à l'étude des phénomènes religieux, c'est toute la vie sociale qui est ainsi présentée grâce aux exceptionnelles compétences et connaissances que réunissait Marcel Mauss, l'un des maîtres des sciences sociales en France avec Emile Durkheim.
Le sacrifice, une pratique brutale qui nous serait totalement étrangère ?
Rien n'est moins sûr, comme le démontre magistralement Essai sur la nature et la fonction du sacrifice. Avec ce texte paru en 1899 dans L'Année sociologique, Hubert et Mauss prennent leurs distances avec la méthode anthropologique traditionnelle. Véritable classique des sciences humaines, il constitue le premier jalon d'une étude systématique de la religion et du sacré. En traitant le sacrifice en fait religieux, et donc en fait social, celui-ci devient ainsi un objet d'étude accessible à la sociologie.
Par une étude comparative des formes du sacrifice, les auteurs battent en brèche toute notion de généalogie, pour en dégager le "noyau" : l'unité générique du sacrifice à travers les âges et les sociétés.
Marcel Mauss (1872-1950), grande figure de l'anthropologie française, a construit pendant plusieurs décennies une oeuvre protéiforme qui a marqué l'ensemble des sciences humaines. Socialiste, il a su allier son travail et ses convictions, notamment dans le contexte de l'affaire Dreyfus.
Henri Hubert (1872-1927) fut le collègue de Mauss à L'École pratique des hautes études. Sociologue et archéologue, il se spécialisa dans l'étude des religions comparées dans l'Antiquité orientale.
La publication d'Esquisse d'une théorie générale de la magie en 1904 dans L'Année sociologique est l'aboutissement d'une longue collaboration entre Marcel Mauss et Henri Hubert, débutée avec la parution de l'Essai sur la nature et la fonction du sacrifice en 1899 dans cette même revue. Collègues à l'École Pratique des Hautes Études, Hubert étudiait la magie dans l'Antiquité grecque et romaine, tandis que Mauss en décrivait les formes en Australie, en Malaisie, en Inde, au Mexique ou dans le judaïsme ancien. Pourtant, si l'analyse de la magie résultait logiquement à leurs yeux de celle du sacrifice, ce lien s'est ensuite dissous dans les rééditions des textes de Marcel Mauss. Cette édition permet de réinterroger les liens entre les trois piliers de sa réflexion que sont le sacrifice, la magie et le don. L'approche d'Hubert et Mauss se ressent également du contexte politique très particulier de l'affaire Dreyfus, qui se déroule pendant la rédaction de leurs articles. Cette séquence historique révéle alors des phénomènes irrationnels au coeur de l'État républicain, et oblige les universitaires à utiliser la preuve scientifique pour les combattre. C'est dans cet espace entre l'individualisme et la raison d'État, alors au coeur des débats politiques, que prennent sens les analyses de la magie et du sacrifice entre l'officieux et l'officiel, entre l'individuel et le collectif.
Dans ce classique de la sociologie de la connaissance, Durkheim et Mauss ne s'attaquent à rien de moins qu'au projet de réécrire la table kantienne des catégories : la maîtrise des jugements logiques qu'ils rendent possibles ne sont pas le fruit des seules forces de l'individu, mais ont une origine sociale. Cette hypothèse, ils la testent sur les concepts de genres et d'espèces, et plus généralement sur l'activité scientifique de classes. Ils entendent ainsi établir qu'en Amérique du Nord et chez les Aborigènes d'Australie, tout autant que dans le système divinatoire chinois, stratification sociale et genres naturels primitifs se font écho ; on ne saurait classer les choses sans appartenir à des sociétés structurées. On comprend le profit à tirer de ce constat pour mieux appréhender les activités scientifiques modernes.