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Sabine Wespieser éditeur
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Chaque jour, au réveil, Rose lutte pour ne pas être assaillie par la réalité, dans la chambre aux parois boisées où elle vit désormais attachée à une longe.
Tout a basculé trois ans auparavant, quand la police est venue lui annoncer l'accident : Anna, sa petite fille, a été fauchée par une camionnette. Depuis lors, Rose interroge le passé, tente d'élucider les circonstances du drame et, chemin faisant, nous révèle celles de son enfermement.
Avant, l'existence était simple et belle, scandée par la phrase gravée sur une poutre du bistrot de sa grand-mère adorée : « Tu es d'une espèce qui aime la lumière et déteste la nuit et les ténèbres. » Rose a grandi dans un village haut perché des montagnes valaisannes. C'est là, alors qu'ils étaient encore des enfants, qu'elle a rencontré Camil, devenu bien plus tard son mari et son indéfectible soutien. Leurs lectures, leurs promenades dans une nature âpre et complice, leurs retrouvailles bien plus tard à Lausanne, la naissance de leur fille, leurs métiers qu'ils aiment : Rose, évoquant ce quotidien heureux, s'efforce d'y traquer les failles. Elle cherche désespérément à comprendre quels excès l'ont conduite à sa situation de recluse.
Un jour pourtant, quand elle perçoit une présence inconnue derrière sa porte close et croit entendre la phrase d'un livre de Marguerite Duras lu naguère, nous, lecteurs, avons l'intuition que la lumière pourrait gagner.
Toute la force de ce roman est dans la manière dont son autrice parvient à domestiquer la violence de la situation et des personnages qu'elle a imaginés, construisant un magnifique portrait de femme et nous entraînant, à notre grande surprise, dans la plus pudique des histoires d'amour. -
Dans ce village haut perché des montagnes valaisannes, tout se sait, et personne ne dit rien. Jeanne, la narratrice, apprend tôt à esquiver la brutalité perverse de son père. Si sa mère et sa soeur se résignent aux coups et à la déferlante des mots orduriers, elle lui tient tête. Un jour, pour une réponse péremptoire prononcée avec l'assurance de ses huit ans, il la tabasse. Convaincue que le médecin du village, appelé à son chevet, va mettre fin au cauchemar, elle est sidérée par son silence.
Dès lors, la haine de son père et le dégoût face à tant de lâcheté vont servir de viatique à Jeanne. À l'École normale d'instituteurs de Sion, elle vit cinq années de répit. Mais le suicide de sa soeur agit comme une insoutenable réplique de la violence fondatrice.
Réfugiée à Lausanne, la jeune femme, que le moindre bruit fait toujours sursauter, trouve enfin une forme d'apaisement. Le plaisir de nager dans le lac Léman est le seul qu'elle s'accorde. Habitée par sa rage d'oublier et de vivre, elle se laisse pourtant approcher par un cercle d'êtres bienveillants que sa sauvagerie n'effraie pas, s'essayant même à une vie amoureuse.
Dans une langue âpre, syncopée, Sarah Jollien-Fardel dit avec force le prix à payer pour cette émancipation à marche forcée. Car le passé inlassablement s'invite.
Sa préférée est un roman puissant sur l'appartenance à une terre natale, où Jeanne n'aura de cesse de revenir, aimantée par son amour pour sa mère et la culpabilité de n'avoir su la protéger de son destin.