En 1998, Antonio Tabucchi sert de guide à une amie anthropologue, venue à Florence observer la situation des communautés roms rassemblées à la périphérie de la ville. Des notes prises alors, du journal qu'il a tenu en l'accompagnant, naît ce livre-reportage qui éclaire et dénonce les conditions d'existence indignes réservées à ces populations nomades dans une ville qui se réclame de l'héritage humaniste des Médicis.
Pamphlet sévère, Les Tsiganes et la Renaissance dresse le portrait d'une ville devenue une Mecque du tourisme, portée par une rhétorique du luxe, et tout entière tournée vers un culte de l'argent. En citoyen révolté, Antonio Tabucchi pointe, à travers une approche historique, une dégradation culturelle et un délitement des valeurs sociales et humaines. Un constat qui ne se limite pas aux Florentins et qui ne peut que rappeler, aujourd'hui encore, des situations analogues dans d'autres villes européennes.
"Ce livre, outre une insomnie, est un voyage. L'insomnie appartient à celui qui a écrit le livre, le voyage à celui qui le fit."
Antonio Tabucchi suggère que ce livre pourrait servir de guide aux amateurs de parcours incongrus. Car il y a certainement quelque chose d'insensé dans la recherche obstinée d'un ami disparu dans une Inde tour à tour inquiétante, hallucinée et fascinante, où l'on croise des devins dans l'autobus, des prostituées de Bombay ou encore des jésuites portugais. Mais de rencontres paradoxales en coïncidences mystérieuses, des chambres d'hôtel miséreuses de Bombay aux luxueux resorts de Goa, une logique singulière se révèle dans l'obscurité de la nuit indienne.
Ce roman d'Antonio Tabucchi, prix Médicis étranger en 1987, adapté au cinéma par Alain Corneau et considéré désormais comme un "classique moderne", est présenté ici dans la nouvelle traduction de Bernard Comment.
"Mais vous êtes qui ?, demanda-t-il en me fixant. Celui qui est indiqué sur le billet, répondis-je, je suis Tadeus. Je ne vous connais pas, répliqua-t-il. Mais vous connaissiez Isabel, dis-je, c'est pour cela que vous me recevez dans votre appartement, le nom d'Isabel a éveillé votre curiosité. Isabel appartient au passé, répondit-il. C'est possible, dis-je, mais je suis ici pour reconstruire ce passé, je suis en train de faire un mandala."
Antonio Tabucchi avait achevé la rédaction de Pour Isabel en 1996. Il l'avait conçu comme un mandala : chaque chapitre dessine un cercle dans lequel le protagoniste Tadeus rencontre un nouveau personnage ayant connu Isabel. Cette dernière a mystérieusement disparu depuis des années, et son ami Tadeus cherche à retrouver sa trace... L'éditeur italien d'Antonio Tabucchi a qualifié l'aventure de Tadeus Slowacki d'"enquête que l'on dirait menée par un Philip Marlowe métaphysicien". Difficile de mieux résumer ce magnifique inédit du grand écrivain italien.
Que ressent-on devant une oeuvre d'art ? La partition que joue Antonio Tabucchi dans ses Récits avec figures nous fait voyager à travers ses textes inspirés, de façon apparente ou non, par des peintures, des dessins et des photographies. Entre jour et nuit, pluie, soleil et songes, ce recueil explore et célèbre le lien de toujours entre l'art et la littérature. L'auteur nous emmène à Lisbonne, en Toscane, auprès de Pessoa ou au coeur de l'oeuvre de Robert Louis Stevenson, par le biais de nouvelles, de courts textes analytiques ou de récits à la frontière entre la rêverie et l'autobiographie.
Les îles d'Antonio Tabucchi sont des paysages qui glissent vers la tentation métaphysique, ses baleines bleues sont des sirènes qui évoquent un lointain appartenant à l'Être et non au Temps et à l'Espace, ses gestes de chasse et ses naufragés ont comme toile de fond les champs magnétiques et les analogies puissantes et mystérieuses des mots.
Dans ces récits de voyages et de naufrages, de chasse à la baleine et d'histoire d'amour contrarié, on retrouve le style poétique de Tabucchi et son penchant pour le rêve et le merveilleux. Si l'on pense à Melville et à Conrad, c'est sans doute du côté du Zibaldone de Giacomo Leopardi que résonne le plus clair écho.
'Hypocondries, insomnies, impatiences et tourments sont les muses boiteuses de ces brèves pages. J'aurais voulu les intituler Extravagances, non tant en raison de leur caractère, mais parce que nombre d'entre elles me paraissent vaguer dans un curieux extérieur qui leur est propre et qui ne possède pas d'intérieur, comme des éclats à la dérive ayant survécu à un tout qui n'a jamais existé.'
On retrouve dans ce recueil de courtes nouvelles, dans ces fragments de prose inspirée, un 'bruit de fond' qui traverse comme un vaisseau toute l'oeuvre d'Antonio Tabucchi : la sensation de naviguer dans un espace intime, confidentiel, dont la géométrie demeure inconnue. Entre mythe et histoire, anges et monstres, le temps perd sa consistance linéaire, le souvenir et le rêve se confondent, la présence et l'absence abandonnent les personnages à leur évanescence, et la vie se réinvente sans cesse, à l'abri de toute réalité.
Deux hommes dans une grande pièce. L'un joue de l'orgue de Barbarie. L'autre, qui ressemble à Fernando Pessoa, annonce qu'il interprète bel et bien Pessoa et qu'il veut téléphoner au dramaturge Luigi Pirandello, car il n'a pas réussi à le rencontrer lors du séjour de celui-ci à Lisbonne en 1931, un dialogue manqué.
Une chambre d'hôpital, dans laquelle un homme se faufile, prétextant être le frère du grand blessé qui vient de mourir, encore allongé sur le lit. Durant cette veillée, l'homme dialogue avec sa conscience, invective le mort, rappelle des souvenirs de famille et se penche sur le temps, ce temps qui passe trop vite. Un autre dialogue manqué.
Un studio de la BBC, à Londres, dans les années trente, et une émission en forme de conversation, qui évoque Guglielmo Marconi, l'inventeur de la télégraphie sans fil, avec un historien, un anarchiste italien aux prises avec le fascisme, et le grand écrivain anglais George Orwell, racontant moins ce qui est advenu que ce qui adviendra.
Avec l'érudition joyeuse et la délicate pointe de mélancolie qu'on lui connaît, Antonio Tabucchi nous livre trois pièces courtes, les deux premières écrites pour la scène et la troisième pour la radio, qui rappellent combien l'auteur de Pereira prétend est à l'aise dans tous les registres et toutes les formes que prend la littérature.
Entretien à Pise avec Antonio Tabucchi, à propos d'engagement politique, des géraniums de son jardin, de Fernando Pessoa, de Sigmund Freud, de Luigi Pirandello, des anarchistes toscans et des médecins-philosophes français. Dans son roman Petits malentendus sans importance, Tabucchi utilise les théories de ces derniers, en particulier le principe de la "confédération des âmes", de Théodule Ribot et Pierre Janet, qui serait présent dans chaque individu. Selon cette théorie il n'existe pas de moi unitaire, mais une confédération de moi parmi lesquels à chaque étape de la vie s'impose un "moi hégémonique". L'âme qui correspond à cette conception est une âme plurielle.
Au fil d'une amitié longue de vingt-cinq ans, les deux auteurs, dont l'un est le traducteur de l'autre en français, ont beaucoup échangé, et réalisé quelques entretiens de référence, pour des revues ou sans but de publication immédiate. Ils évoquent, dans une profonde complicité, les pouvoirs de la littérature, mais aussi différents livres d'Antonio Tabucchi, et ce qu'il en coûte d'écrire, comme arrachement de soi. Ces échanges sont ici réunis pour la première fois, et sont précédés d'un portrait par Bernard Comment, qui rappelle la force littéraire de l'oeuvre de Tabucchi (largement construite sur l'allusion et l'understatement), mais aussi l'engagement d'un homme qui a vu avant tout le monde et mieux que quiconque les dérives à l'intérieur du système démocratique, et qui a dénoncé la prise de pouvoir de Berlusconi comme laboratoire méphistophélique de l'Europe. Pour son malheur, il avait terriblement raison.