Né en 1903, mort en 1985, Jankélévitch connu les succès au crépuscule de sa vie et fut l'un des philosophes alors les plus médiatiques. Il est aujourd'hui le penseur qui convient pour conjurer la désespérance et le pessimisme. Jankélévitch nous apprend le charme de l'instant, les joies de l'action, nous met en garde contre les conformismes de la pensée et les mondes enrégimentés. C'est le pianiste de la philosophie, il joue sur les concepts comme sur un clavier. Ne manquons pas notre unique matinée de printemps. Jankélévitch disciple d'Alain nous montre que c'est l'heure, que cette heure ne dure qu'un instant. Le vent se lève, c'est maintenant ou jamais. Cynthia Fleury, philosophe, psychanalyste, auteur à succès d'ouvrages sur la fin du courage, le soin ou le ressentiment nous offre un été avec Jankélévitch allègre plein de paradoxes sur le temps et son irréversibilité. Un dialogue sur la jeunesse d'esprit qui est le meilleur remède contre les passions tristes qui nous menacent.
Pourquoi Colette ? Un grand écrivain, c'est aussi un écrivain qui crée des mythes, qui renouvelle notre mythologie. « Créer un poncif, c'est le génie », disait Baudelaire. Colette a créé quatre mythes : Claudine; Sido, Gigi, et Colette, elle-même, grand écrivain national, monstre sacré. Admirée par Simone de Beauvoir, pionnière de la transgression et de la provocation, elle fait souffler dans ses romans ce vent de liberté qui nous manque tant aujourd'hui. Antoine Compagnon décline toutes les facettes de Colette, des plus connues ou plus secrètes. De Claudine, sa première héroïne, dont son mari, Willy, s'appropria la paternité, signant de son propre nom les textes de son épouse et récoltant le succès et l'argent à sa place. Sido, inspirée par sa propre mère, sans doute sa plus belle invention romanesque. En passant par Gigi, son double littéraire charmante, légère, heureuse en amour et en mariage - à l'opposé de sa créatrice qui fuira « l'homme, souvent méchant » et trouvera refuge auprès des femmes. De sa Bourgogne natale à la présidence de l'académie Goncourt - elle qui n'avait aucun diplôme -, Colette ne fut jamais là où on l'attendait et emmena la littérature là où personne d'autre n'avait osé aller. Plus accessible que Proust, plus moderne que Gide, Claudel ou Valéry, Colette réussit la prouesse d'être à la fois lue dans les écoles et d'avoir conçu une oeuvre toujours aussi sulfureuse. Lire Colette aujourd'hui, c'est embrasser le XXe siècle dans toute son extravagance, grâce à un style qui n'a pas pris une ride.
« Esclaves, ne maudissons pas la vie. » Lire Arthur Rimbaud vous condamne à partir un jour sur les chemins. Chez le poète des Illuminations et d'Une saison en enfer, la vie s'organise dans le mouvement. Il s'échappe hors de l'Ardenne, cavale dans la nuit parisienne, court après l'amour en Belgique, se promène à Londres puis s'aventure à mort sur les pistes d'Afrique. La poésie est le mouvement des choses. Rimbaud se déplace sans répit, changeant de point de vue. Son projet : transformer le monde par les mots. Ses poèmes sont des projectiles, des bouquets de feu : cent cinquante ans plus tard, ils nous atteignent encore. Qu'avons-nous fait de nos douleurs ? Au temps où le monde était paralysé par un virus chinois, Sylvain Tesson a cheminé une saison avec Arthur Rimbaud. La marche - état suprême de la poésie - est, avec la littérature, l'antidote à l'ennui.
L'Iliade est le récit de la guerre de Troie. L'Odyssée raconte le retour d'Ulysse en son royaume d'Ithaque. L'un décrit la guerre, l'autre la restauration de l'ordre. Tous deux dessinent les contours de la condition humaine. À Troie, c'est la ruée des masses enragées, manipulées par les dieux. Dans l'Odyssée on découvre Ulysse, circulant entre les îles, et découvrant soudain la possibilité d'échapper à la prédestination. Entre les deux poèmes se joue ainsi une très violente oscillation : malédiction de la guerre ici, possibilité d'une île là-bas, temps des héros de côté là, aventure intérieure de ce côté ci. Ces textes ont cristallisé des mythes qui se répandaient par le truchement des aèdes dans les populations des royaumes mycéniens et de la Grèce archaïque il y a 2500 ans. Ils nous semblent étranges, parfois monstrueux. Ils sont peuplés de créatures hideuses, de magiciennes belles comme la mort, d'armées en déroute, d'amis intransigeants, d'épouses sacrificielles et de guerriers furieux. Les tempêtes se lèvent, les murailles s'écroulent, les dieux font l'amour, les reines sanglotent, les soldats sèchent leurs larmes sur des tuniques en sang, les hommes s'étripent et une scène tendre interrompt le massacre pour nous rappeler que les caresses arrêtent la vengeance. Préparons nous : nous passerons des fleuves et des champs de bataille, nous serons jetés dans la mêlée, conviés à l'assemblée des dieux, nous essuierons des tempêtes et des averses de lumière, nous serons nimbés de brumes, pénétrerons dans des alcôves, visiterons des îles, prendrons pied sur des récifs. Parfois, des hommes mordront la poussière, à mort. D'autres seront sauvés. Toujours les dieux veilleront. Et toujours le soleil ruissellera et révèlera la beauté mêlée à la tragédie. Des hommes se démèneront pour mener leurs entreprises mais derrière chacun d'eux, un dieu veillera et jouera son jeu. L'Homme sera-t-il libre de ses choix ou devra-t-il obéir à son destin ? Est-il un pauvre pion ou une créature souveraine ? Mais une question nous taraude. D'où viennent exactement ces chants, surgis des profondeurs, explosant dans l'éternité ? Et pourquoi conservent-ils à nos oreilles cette incomparable familiarité ? Comment expliquer qu'un récit de 2500 ans d'âge, résonne à nos oreilles avec un lustre neuf, un pétillement aussi frais que le ressac d'une calanque ? Pourquoi ces vers paraissent-ils avoir été écrits pas plus tard qu'aujourd'hui, par un très vieux poète à la jeunesse immortelle, pour nous apprendre de quoi seront fait nos lendemains ? En termes moins lyriques (Homère est le seul maître en la matière) d'où provient la fraîcheur de ce texte ? Pourquoi ces dieux et ces héros semblent malgré la terreur qu'ils inspirent et le mystère qui les nimbe, des êtres si amicaux ?
Ce périple, les trois jeunes gens l'ont entrepris au mépris du danger, au péril de leur vie, et malgré les supplications de leurs fiancées respectives. Ils l'ont fait pour le rayonnement de la France, le progrès de la science et aussi un peu pour passer le temps. Il en résulte un roman d'aventure avec de l'action à l'intérieur et aussi des temps calmes et du passé simple. Ceci est une expérience de lecture immersive. Hormis deux ou trois passages inquiétants, le suspense y est supportable et l'oeuvre reste accessible au public poitrinaire. A noter la présence de nombreux adverbes. L'éditeur ne saurait être tenu responsable des mauvaises idées que ce livre ne manquera pas d'instiller dans le cerveau vicié des nouvelles générations gavées d'écran et pourries à la moelle.
Prix Interallié 2022.
Pour ralentir la fuite du temps, Sylvain Tesson parcourt le monde à pied, à cheval, à vélo ou en canot. Dans les steppes d'Asie centrale, au Tibet, dans les forêts françaises ou à Paris, il marche, chevauche, mais escalade aussi les monuments à mains nues.
Pour mieux embrasser la terre, il passe une nuit au sommet de Notre-Dame de Paris, bivouaque dans un arbre ou sous un pont, recourt aux cabanes. Cet amoureux des reliefs poursuit le merveilleux et l'enchantement.
Dans nos sociétés de communication, Sylvain Tesson en appelle à un nouveau nomadisme, à un vagabondage joyeux.
Ce Petit traité sur l'immensité du monde est un précis de désobéissance naturaliste, une philosophie de poche buissonnière, un récit romantique contre l'ordre établi.
Comment finir une vie d'écrivain ? Cette question s'imposa pour ma dernière année d'enseignement au Collège de France en 2020. Parce que la retraite m'attendait au tournant. Parce que je venais de perdre une amie très proche, compagne de longues années. L'hiver était au chagrin. La littérature a un lien essentiel avec la mort, le deuil et la mélancolie. De Montaigne à Roland Barthes, c'est son fil rouge. Pourtant, les oeuvres tardives des écrivains ont suscité moins de curiosité que le style de vieillesse des peintres et musiciens, plus affectés par les défaillances de leur corps, la main, l'oeil ou l'oreille. « Il faudrait cesser de travailler dans un certain âge ; car tous les hommes vont déclinant », décrète le Bernin devant les derniers tableaux de Poussin. Ces nouvelles leçons poursuivent une méditation sur la fin, à la fois terme et issue, sur l'âge, condition du sénile, mais aussi du sublime, sur les ultima verba, le chant du cygne, la seconde chance, le poète éternel... Ad libitum. Que faire du troisième ou du quatrième âge de sa vie ? « Qui connaît le pouvoir du cercle ne craint pas la mort », écrit Maurice Blanchot, citant Hugo von Hofmannsthal, qui citait lui-même Djalâl ad-Dîn Rûmî. La ronde littéraire ne s'arrête jamais
Lorsque Marianne Chaillan annonce à ses élèves le cours de philosophie sur le désir amoureux, tous se dressent et tendent l'oreille. Voici qu'on évoque enfin le sel de la vie ! Que serions-nous sans nos passions ? Romans et poèmes, films et séries, chansons et opéras : tous se nourrissent du désir amoureux. « All you need is love ! » n'est pas seulement le titre d'une chanson légendaire mais une maxime largement partagée. Et, pourtant, les philosophes lui opposent un rejet quasi unanime, la considérant comme une maladie plus dange - reuse que le pire des virus. Illusion, promesse de souffrance, le désir amoureux leur semble faire peser une grave menace sur notre existence. Ils ont beau nous alerter, rien n'y fait. On aime, on veut aimer, on veut vibrer ! Devrions-nous les écouter ? Tomber amoureux, est-ce bel et bien perdre la raison et faudrait-il, dès lors, s'en garder ? Ou bien, à l'inverse, vivre sans cette folie ne serait-il pas si sage ?
Si, loin de la promesse de bonheur, naïve voire dangereuse, que nous vendent les ouvrages de développement personnel, il fallait plutôt reconnaître que du monde, « on ne peut attendre rien de bon », comme l'écrit Schopenhauer ? Si souhaiter être heureux était le moyen le plus sûr d'être malheureux ? Marianne Chaillan commence par fracasser la représentation commune du bonheur pour mieux nous faire découvrir les chemins étroits et exigeants qui conduisent à une vie heureuse et authentique. À la manière du fameux professeur du Cercle des poètes disparus, elle nous invite à entrer dans sa salle de classe, à nous appuyer sur la philosophie, non pour rêver de bonheur mais bien le pratiquer ici et maintenant. « C'est sur cette question que, chaque année, je quitte mes élèves. Comme si, e?tant l'ultime lec?on, elle avait vocation a? demeurer plus vive. Ce cours concentre l'essentiel de ce que la philosophie m'a appris et que je souhaite transmettre a? mon tour. »
Après Montaigne, Antoine Compagnon nous invite à passer un été avec Pascal. Un siècle de différence entre les deux hommes qui sont tous les deux fondateurs de notre modernité, c'est-à-dire de la liberté d'esprit. Pascal (XVIIe siècle) comme Montaigne (XVIe siècle) traite de l'homme, de la société, de l'univers, du pouvoir, de la foi, de l'angoisse, de la mort, du jeu : le tout et le rien. Nous connaissons tous les sentences célèbres de Pascal : « Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie. », « Qui veut faire l'ange fait la bête », « Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point. ».
Antoine Compagnon évoque à la fois la vie du génie Pascal (auteur du traité des Coniques), tout en allant chercher la signification de ses pensées elliptiques. Avec cette tournure d'esprit combinatoire, Pascal explore tous les possibles de la réflexion. En quarante et un chapitres (dont six inédits) il s'intéresse aussi bien à la question de la violence et de la vérité, de la tyrannie, à l'esprit de finesse, au divertissement et au juste milieu. Antoine Compagnon nous fait découvrir l'écrivain du miracle et de la grâce dont la pensée permet de mieux nous connaitre.
« Les gens seraient étendus sur la plage ou bien, sirotant un apéritif, ils s'apprêteraient à déjeuner, et ils entendraient causer de Montaigne sur le poste. Quand Philippe Val m'a demandé de parler des Essais sur France Inter durant l'été, quelques minutes chaque jour de la semaine, l'idée m'a semblé très bizarre, et le défi si risqué que je n'ai pas osé m'y soustraire.
D'abord, réduire Montaigne à des extraits, c'était absolument contraire à tout ce que j'avais appris, aux conceptions régnantes du temps où j'étais étudiant. À l'époque, l'on dénonçait la morale traditionnelle tirée des Essais sous la forme de sentences et l'on prônait le retour au texte dans sa complexité et ses contradictions. Quiconque aurait osé découper Montaigne et le servir en morceaux aurait été aussitôt ridiculisé, traité de minus habens, voué aux poubelles de l'histoire comme un avatar de Pierre Charron, l'auteur d'un Traité de la sagesse fait de maximes empruntées aux Essais. Revenir sur un tel interdit, ou trouver comment le contourner, la provocation était tentante.
Ensuite, choisir une quarantaine de passages de quelques lignes afin de les gloser brièvement, d'en montrer à la fois l'épaisseur historique et la portée actuelle, la gageure paraissait intenable. Fallait-il choisir les pages au hasard, comme saint Augustin ouvrant la Bible ? Prier une main innocente de les désigner ? Ou bien traverser au galop les grands thèmes de l'oeuvre ? Donner un aperçu de sa richesse et de sa diversité ? Ou encore me contenter de retenir certains de mes fragments préférés, sans souci d'unité ni d'exhaustivité ? J'ai fait tout cela à la fois, sans ordre ni préméditation.
Enfin, occuper l'antenne à l'heure de Lucien Jeunesse, auquel je dois la meilleure part de ma culture adolescente, c'était une offre qui ne se refuse pas. »
En 40 chapitres, Antoine Compagnon interprète Montaigne d'une façon claire, limpide, drôle. De l'engagement jusqu'au trône du monde en passant par la conversation ou l'éducation. Professeur au collège de France, ce grand spécialiste de l'autobiographie nous présente un Montaigne estival qui permet de bronzer notre âme.
Marcel Proust se répétait Chant d'automne de Baudelaire :
« J'aime de vos longs yeux la lumière verdâtre/
Douce beauté, mais tout aujourd'hui m'est amer,
Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'âtre,
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer ».
Peut-être aucun poète ne nous t-il a laissé autant d'images durables et de vers mémorables. Il fut le poète du crépuscule, de l'ombre, du regret, de l'automne. Mais il est l'homme de tous les paradoxes. Il y a d'ailleurs chez lui une perpétuelle nostalgie du soleil sur la mer, du soleil de midi en été : «Adieu, vive clarté de nos étés trop courts ».
L'été pour Baudelaire fut celui de l'enfance. Un été à jamais révolu. Et sa poésie est aussi la recherche de ce paradis perdu. Moderne et antimoderne, Baudelaire est d'une certaine manière notre contemporain. Aucun poète n'a mieux parlé des femmes - des femmes et de l'amour - que Baudelaire dans quelques poèmes sublimes comme La Chevelure ou L'invitation au voyage.
Ce fut un homme blessé, un cruel bretteur, un fou génial, un agitateur d'insomnies.
Baudelaire aura été l'un des plus lucides observateurs de la désacralisation de l'art dans le monde moderne, lui qui admirait tant la peinture de Delacroix et de Manet. Dandy et proche des chiffonniers, anarchiste de gauche puis de droite, il fut l'homme de tous les paradoxes et originalités.
En 30 chapitres qui sont autant de diamants noirs, Antoine Compagnon aborde le réalisme et le classicisme de Baudelaire, le rôle de Paris et de Honfleur, de la ville et de la mer mais aussi le rire, la procrastination et le catholicisme. Dans le même esprit qu'Un été avec Montaigne, « à sauts et à gambades », Antoine Compagnon nous fait redécouvrir Les Fleurs du mal et Les Petits poèmes en prose en nous faisant partager un Baudelaire inclassable et irréductible.
Après un coup de tonnerre du destin, Édouard Cortès choisit de se réfugier au sommet d'un chêne, de prendre de la hauteur sur sa vie et notre époque effrénée. À presque quarante ans, il embrasse femme et enfants, supprime ses comptes sur les réseaux sociaux et s'enfonce dans une forêt du Périgord pour un voyage immobile. Là, dans une cabane construite de ses mains, il accomplit son rêve d'enfant : s'enforester, rompre avec ses chaînes, se transformer avec le chêne, boire à la sève des rameaux. Ce printemps en altitude et dans le silence des bois offre une lecture de la nature qui ne se trouve dans aucun guide ou encyclopédie. Le chêne si calme abrite un cabinet de curiosités et accorde pendant trois mois à l'homme perché une rêverie sous les houppiers et les étoiles. Il faut savoir parfois contempler une colonie de fourmis savourant le miellat, écouter un geai ou un couple de mésanges bleues, observer à la loupe des champignons et des lichens pour comprendre le tragique et la poésie de notre humanité. Afin de renouer avec l'enchantement et la clarté, l'homme-arbre doit couper certaines branches, s'alléger et se laisser traverser par la vie sauvage avec le stoïcisme du chêne.
2023 sera-t-elle l'année du basculement vers une guerre mondialisée ou un retour vers une paix fragile mais réelle ? Entre le conflit en Ukraine, l'isolement de la Russie, la révolution qui gronde en Iran, la Chine qui s'arme à la vitesse de la lumière et menace Taïwan d'une invasion imminente, les fonds sous-marins qui deviennent des sources de tension à cause de leurs ressources gazières ou pétrolifères, La CIA et la communauté du renseignement américain emmenées par Avril Haines et Joseph Burns passent le monde au scanner en révélant des informations sur les dangers qui nous cernent. L'information est désormais la meilleure arme en temps de guerre.
« Les oiseaux nous apportent de la lumière. Il m'est impossible d'imaginer un jour devoir les quitter, faire le deuil de toutes ces splendeurs entrevues qui m'ont augmenté, comblé : les yeux majestueux du grand-duc, le vol claironnant des grues cendrées, le caractère hybride du colibri, à la fois insecte et pierre précieuse, la sorcellerie colorée du guêpier, le récital de la grive musicienne se détachant à contre-jour au sommet d'un arbre, le baume sonore du loriot, la toute première note du rossignol au mois d'avril, ce filet de soleil à travers le volet de la chambre d'où sourd le chant d'aurore du rouge-queue à front blanc... La lumière des oiseaux est finalement un éclair d'éternité dans nos vies de passage. » Enfant, Jean-Noël Rieffel était un rêveur comme le cancre de Jacques Prévert. Il contemplait la nature par la fenêtre. Au fil des années, il est devenu un fou d'oiseaux, un ornithologue amateur. Il nous raconte dans ce livre l'état de poésie permanent inspiré par cette passion.
Il y a quarante ans, le 4 octobre 1982, Glenn Gould mourait dans la ville de Toronto qui l'avait vu naître 50 ans plus tôt. Un personnage original, fantasque, totalement hypocondriaque, mais aussi pénétré par la musique. Un pianiste atypique qui a fasciné deux générations d'interprètes et de mélomanes, et a marqué certaines oeuvres (les Variations Goldberg en particulier) d'une empreinte indélébile. Mais à l'exception de ses Bach, on connaît mal son héritage discographique ; en dehors de ses manies, on en sait peu sur un homme secret et plus attachant que la légende ne le laisse deviner... Celui qui dès l'enfance révèle une oreille absolue, un don pour la lecture à vue, et l'improvisation, crée très vite une relation physique et immédiate avec son clavier, comme un prolongement de lui-même. À 10 ans, il joue les Préludes et fugues du Clavier bien tempéré, de Bach ; mais aussi des Sonates de Mozart, des Valses de Chopin. Son piano est déjà son refuge, un monde à soi, ou rien d'inquiétant ne peut arriver... À 23 ans, il parcourt le monde et accède à la gloire, sans jamais rien sacrifier à son exigence ou céder aux excès. La musique, la discipline, le piano, avant tout et rien d'autre ! Après quelques années à peine, au sommet, il fait ses adieux à la scène, se consacrant à la composition et aux enregistrements. Pendant les vingt dernières années de sa vie, il fait alors une croix sur les voyages, se partageant entre Toronto, où il habite, et New York, où il enregistre dans les studios de Columbia.. Sédentaire, casanier, sans véritables distractions, sa vie sera quasi exclusivement consacrée à la musique. Une existence austère, qu'il chérit, et bien loin des frasques de certains de ses contemporains....
Il y a une Venise de l'évidence et une Venise invisible qui refuse de livrer ses secrets : Celle des églises, jamais ouvertes. Pourquoi sont-elles inaccessibles ? Jean-Paul Kauffmann a essayé de forcer ces portes solidement cadenassées où des oeuvres dorment dans le silence.
Deux jeunes gens d'aujourd'hui, deux amis qui rêvent de détachement et de béatitude. Ils ont une vingtaine d'années et ont déjà parcouru l'Europe à pied jusqu'à Israël (voir Le Syndrome de Tom Sawyer de Samuel Adrian). Mais il leur faut le monde.
Ils décident alors de partir à sa découverte au volant d'une antique Peugeot 204, plus âgée qu'eux, chargée de bouteilles de vin et de livres à satiété. Une voiture pour le moins inadaptée aux pistes de la taïga qu'ils vont devoir affronter... Ils quittent la France par l'est, traversent l'Allemagne, la Serbie, la Roumanie, la Turquie, la Russie, le Japon, puis rallient les Etats-Unis où ils tombent sur un pays en plein confinement. Le voyage au grand air devient alors un périple de l'intériorité. Un périple de quinze mois, mais aussi une histoire d'amitié à bord d'un destrier qui menace de syncope et provoque d'immenses éclats de rire. Un demi-siècle après Nicolas Bouvier, ces beatniks du XXIe siècle tracent la route comme d'autres se retirent dans un monastère ou un ashram. Ils font retraite dans le mouvement avec pour seuls mantras : ne pas perdre son temps et se consacrer à l'essentiel. Dans ce livre qui, par son style et l'intensité de son cheminement spirituel échappe à la banalité des récits de voyage, la sagesse est le graal recherché par ces fougueux aventuriers qui se sentent étrangers aux engouements tristes et vides de notre monde à demi virtuel. Tels des personnages beckettiens, ils s'interrogent sur l'absurdité de cette idéologie : faut-il voyager à tout prix ?
Depuis 2006, Sylvain Tesson tient un bloc-notes dans le magazine Grands Reportages. Une chronique mensuelle qui est celle d'un écrivain voyageur et de son temps. Une mosaïque, un costume d'Arlequin, une matrice de son oeuvre en devenir où il trace les points cardinaux de sa géographie intime.
Ce bloc-notes est un miroir le long du chemin et des voyages de Sylvain Tesson.
Il parle bien évidemment de la Russie, de la Sibérie, de l'Afghanistan où il séjourne à plusieurs reprises, mais aussi de Haïti, de l'Islande qu'il parcourt à vélo ou de New York. Nomade, il privilégie le dégagement, l'humeur, l'intemporel, la nature. Mais il aime aussi se confronter à son temps, à ses ridicules. Il sait aussi plonger dans le volcan de l'actualité pour en faire jaillir les lignes de force, les tendances, le non-dit.
Il s'engage pour la défense des femmes, contre l'excision et les violences qu'elles subissent. toujours sensible, il met de la couleur à la tristesse du monde grâce à son énergie et à son humour. Il dénonce sans se prendre au sérieux les ravages que commettent les hommes au nom du bien, de la religion, et de la société de consommation, contre la nature et la vie.
La Recherche du temps perdu est une oeuvre inclassable si profonde qu'on la lit et la relit pour y découvrir « la vraie vie, la seule vie pleinement vécue », c'est à dire la littérature. Ce livre nous transporte dans les salons de la Belle Époque, sur une plage de la côte normande ou à Venise. Il nous parle de l'existence, des soubresauts de la mémoire, de la subtilité des rapports humains, de l'ambiguïté des sentiments amoureux, des bienfaits de l'imagination ou de la beauté des arts. Chaque lecteur peut y abriter ses songes, y reconnaître ses joies et ses peurs et y apprendre des vérités sur soi-même.
Aux côtés de Laura El Makki, huit romanciers, biographes et universitaires, parmi les meilleurs spécialistes, Antoine Compagnon, Raphaël Enthoven, Michel Erman, Adrien Goetz, Nicolas Grimaldi, Julia Kristeva, Jérôme Prieur, Jean-Yves Tadié, abordent les multiples facettes de la vie et de l'oeuvre de Proust : comment retenir le temps qui passe ? Pourquoi aimer fait-il souffrir ? Peut-on vraiment connaître une personne ?
« Tâchez de garder toujours un morceau de ciel au-dessus de votre vie » écrivait Proust dans Du côté de chez Swann. Telle est l'ambition aérienne et stimulante de cet Été avec Proust.
Un été avec Proust est à l'origine une série d'émissions produites par Laura El Makki et diffusées pendant l'été 2013 sur France Inter.
Il y a deux Paul Valéry. L'auteur classique, poète d'État, un brin énigmatique, que tout le monde connaît sans l'avoir lu et il y a le sacripant drolatique, l'anar espiègle, le gamin salace aux mauvaises pensées, « l'esprit le plus méphistophélique de notre littérature ». Sans parler du coureur et du farceur. Deux faces d'une même médaille, le prévisible et l'imprévu, le bienséant et le frondeur, le sentencieux et le narquois.
L'été sied à Paul Valéry, ce solaire impertinent, ce méditerranéen qui nous enjoint de courir à Londres pour en revenir vivant. Non seulement parce qu'il est né à Sète en 1871 mais aussi parce que toute son oeuvre est bercée par le sud, la Corse, l'Italie et la Méditerranée. N'oublions pas qu'il est l'auteur de l'universel Cimetière marin.
Il y a un Paul Valéry en maillot de bain, un homme du trait, du brillant, de l'éclat, du paradoxe et du charnel.
La saga de la rentrée, un feuilleton en quatre épisodes haletants ! Sologne - 1845. Le petit peuple trime du matin jusqu'au soir, tentant de faire naître quelque chose des terres marécageuses ingrates, l'estomac et les mains chaque jour plus vides. Les riches, blasés et impitoyables, galopent à travers champs, sur les fidèles destriers lors de prolifiques parties de chasse, et rivalisent de bêtise et d'orgueil lors d'exubérantes réceptions. Sans jamais oublier d'encaisser les loyers et fermages de leurs chers paysans. Mais dans ce « meilleur des mondes » campagnard, quelques grincements souterrains agitent soudainement la tranquillité des nantis. « Bête-Puante », le braconnier qui distribue sa chasse aux miséreux, est partout et semble tout savoir... « Bamboche », le forçat, s'est échappé et rode dans la forêt. Et que fait Martin, l'énigmatique valet qui semble si bien connaître le roi ? Beaucadet, le gendarme, ne pense qu'à mettre la main sur tous ces criminels... Sur les traces de son enquête, à mesure qu'il tente de démêler les fils de ces mystères, nous remontons peu à peu le temps, alors que ces anciens enfants orphelins brulaient les planches du cirque de l'homme-poisson, Léonidas Requin... A la croisée du vaudeville, de la tragicomédie à la française et du roman social, Les Misères des enfants trouvés nous plonge dans une série haletante, entre grandeur et misère, rire et larmes, dont la petite musique politique et sociale fait diablement écho à notre époque. Grand écrivain populaire du XIXe siècle, Eugène Sue est également sans aucun doute l'auteur du feuilleton de la rentrée !
Victor Hugo rêvait d'être « Chateaubriand ou rien ». Sa vie et son oeuvre dépasseront cette ambition. Il sera un océan à lui seul : romancier, poète, dramaturge, pamphlétaire, académicien, pair de France, député. Tout en conservant le génie de l'enfance, Victor Hugo empoigna le XIXe siècle, combattit les injustices, la peine de mort, et toutes les formes d'aliénation. Il croyait au mouvement, au progrès. Son défi était de n'avoir jamais peur. Malgré les épreuves, les deuils familiaux, l'exil, Victor Hugo choisit de vivre : « Je suis celui que rien n'arrête/Celui qui va ». Il mit sa force, son souffle dans l'amour des siens, la conquête des femmes, la création et la passion de l'humanité : « Ma vie est la vôtre, votre vie est la mienne, vous vivez ce que je vis ; la destinée est une. »
Passer un été avec Victor Hugo ce n'est pas seulement se reposer à l'ombre d'un géant mais aussi voyager en sa compagnie, aimer jusqu'à l'épuisement et partager son sens de l'humour loin de l'image scolaire.
Chaque fois qu'une tempête s'annonce dans l'Histoire, on convoque Machiavel, car il est celui qui sait philosopher par gros temps. En effet, depuis sa mort en 1527, on ne cesse de le lire, et toujours pour s'arracher à la torpeur. Mais que sait-on de cet homme hormis le substantif inventé par ses contempteurs pour désigner cette angoisse collective, ce mal politique, le machiavélisme ?
Né dans une république de princes, la Florence oligarchique de la Renaissance et de Savanarole, Machiavel est très tôt sensible à la politique. Premier secrétaire de la Seconde chancellerie, historien, dramaturge, poète, philosophe, politologue avant l'heure, admirateur des peintres, des ingénieurs, des médecins et des cartographes, incorrigible provocateur, Machiavel est surtout un très fin spectateur. En Europe, il voyage, scrute les rapports de force qui meuvent les hommes, renifle les remugles du pouvoir. Il s'étonne de voir, qu'en France, Louis XII tient son peuple d'une main de fer et que ce dernier ne l'en aime que davantage. Peu à peu, l'homme aiguise son style. Chez lui, tout est bon pourvu que l'on puisse exercer l'art du mot juste, « la vérité effective de la chose » : « L'amour est préférable, mais la force, parfois, inévitable ».
La chance de Machiavel est d'avoir toujours été déçu par les hommes d'État qu'il a croisés sur son chemin. C'est pour cela qu'il a dû inventer son Prince de papier. Si le livre s'attache à dissocier l'action politique de la morale commune, la question demeure aujourd'hui encore de savoir, non pas pourquoi, mais pour qui écrit Machiavel. Pour les princes ou pour ceux qui veulent leur résister ? Et qu'est-ce que l'art de gouverner ? Est-ce celui de prendre le pouvoir ou celui de le conserver ? Qu'est-ce que le peuple ? Peut-il se gouverner lui-même ? Pensez-vous que les bonnes lois naissent de législateurs vertueux ? La fin peut-elle justifier les moyens ? Au-delà de conseils cyniques aux puissants, Machiavel s'interroge en profondeur sur l'idée de la souveraineté populaire car « le peuple connaît celui l'opprime ».
Avec verve et une savoureuse érudition, Patrick Boucheron nous éclaire sur cet éveilleur inclassable, visionnaire et brûlant comme un soleil d'été sur la terre toscane. Et avec lui, nous écoutons Machiavel, comme tous les autres avant nous, au futur.
Un été avec Machiavel est à l'origine une série d'émissions diffusées pendant l'été 2016 sur France Inter.