La guerre d'Indochine est l'une des plus longues guerres modernes. Pourtant, dans nos manuels scolaires, elle existe à peine. Avec un sens redoutable de la narration, "Une sortie honorable" raconte comment, par un prodigieux renversement de l'histoire, deux des premières puissances du monde ont perdu contre un tout petit peuple, les Vietnamiens, et nous plonge au coeur de l'enchevêtrement d'intérêts qui conduira à la débâcle.
En 1937, Gayatri quitte l'Inde pour Bali, dans le sillage d'un artiste allemand, afin de retrouver sa liberté et de se consacrer à la peinture. Elle laisse derrière elle son mari et leur fils de neuf ans. Lorsque ce dernier, à la fin d'une vie façonnée par cette terrible absence, reçoit d'une ancienne voisine un paquet de lettres de sa mère, il revisite ses souvenirs et succombe à l'obsession qui a marqué son enfance : pourquoi l'a-t-elle abandonné ? Un merveilleux roman, à la fois historique et poétique, sur la trajectoire heurtée d'une femme libre et sur la douloureuse posture d'attente adoptée par son fils.
Ils viennent du Missouri et ont tout abandonné dans l'espoir de trouver une terre à des milliers de kilomètres de leurs foyers. Ils ont entassé leurs maigres possessions dans des chariots et traversent les Grandes Plaines, puis les montagnes Rocheuses où ils affrontent les rapides du fleuve Columbia. Leur trajet ouvre la célèbre piste de l'Oregon, qui sera plus tard empruntée par de nombreux migrants en route vers l'Ouest et la terre promise. C'est un voyage qui a tout d'une grandiose épopée, peuplé d'hommes et de femmes qui souffrent de la faim et du froid, qui connaissent la solidarité autant que les rivalités, qui cherchent l'amour aussi. Lorsqu'ils parviennent enfin à destination, ils construisent des cabanes, labourent un sol jusque-là inexploré, et installent peu à peu les bases de ce qui deviendra plus tard une société civilisée avec ses lois, ses règles et ses usages. Dans ce grand roman de l'Ouest, chef-d'oeuvre de Haycox, qui marie le souffle de l'épopée à la chaleur de l'intime, on n'en finit pas de se passionner pour ces pionniers qui ont posé les fondements de l'Amérique telle que nous la connaissons aujourd'hui.
Laissant derrière eux New York, de lourds effluves de scandale et le spectre de la ruine financière, Frances Price (veuve foutraque aussi belle qu'acerbe) et son fils unique Malcolm (loser à tous les étages) larguent les amarres en compagnie de Small Frank, le chat (réincarnation maussade du défunt mari). Direction Paris, où une dernière bataille doit être livrée, qui pourrait bien être synonyme d'autodestruction... Une virée mère/fils désopilante, que seul un Patrick deWitt pouvait concevoir.
Bjrn vient d'être muté à l'Administration. Arrogant et psychorigide, il est loin de faire l'unanimité parmi ses collègues. Mais Bjrn n'est pas là pour fraterniser ou bavarder, il est là pour travailler et montrer le bon exemple à ceux qui n'ont peut-être pas, comme lui, la bureaucratie dans le sang. Un jour, il découvre, entre l'ascenseur et les toilettes, une porte qu'il n'avait jamais remarquée auparavant. Elle ouvre sur un bureau inoccupé où règne un ordre parfait. Cette pièce lui procure une sensation singulière de calme et de bien-être et il s'y réfugie aussi souvent qu'il le peut pour se ressourcer. Mais un malaise grandissant se répand au sein du service. Pourquoi le nouveau venu reste-t-il toujours planté en plein milieu du couloir à fixer le mur ?
5 700 000 couronnes. 600 000 euros. Voilà le montant de la facture dont le narrateur devra s'acquitter. Pour quoi ? Pour tout : sa vie, ses expériences, ses sensations, ses rêves, son bonheur. « Pensez-vous que tout cela est gratuit ? s'étonne l'une de ses interlocutrices. La vie a un coût ». Jonas Karlsson dresse le portrait d'un homme heureux dans sa modestie à qui l'on veut faire payer son bonheur au prix fort. Confronté à l'absurdité d'une société qui ne jure que par l'argent et croit pouvoir tout calculer, voyant son confortable train de vie injustement bousculé, le narrateur devra, paradoxalement, s'échiner à prouver qu'il n'est peut-être pas si heureux... Peinture incisive mais juste du monde d'aujourd'hui, aussi inquiétante que revigorante, La Facture conjugue idée ingénieuse et réalisation réussie.
1775. Elisabeth Cook, seule depuis trois ans, attend le retour de James Cook, qui en est à son second voyage exploratoire. Ce roman historique, entièrement écrit du point de vue d'Elisabeth Cook, est aussi un superbe portrait psychologique : celui d'une femme ayant traversé une interminable solitude face aux épreuves que réserve la vie.
Au cours des derniers jours de mai 1871, le gouvernement d'Adolphe Thiers se résolut à réprimer dans le sang la Commune de Paris. La Semaine sanglante s'accompagna d'un gigantesque incendie, au cours duquel le feu menaça dangereusement le Louvre et ses collections, de même que la Bibliothèque impériale, livrant aux flammes son fonds de cent mille volumes précieux... Face au sinistre, deux hommes : un conservateur, jusque là confit dans ses notices de catalogue, et un officier, que rien ne prédisposait au sauvetage du sel de la civilisation.
La reine Bal de Guifort, seconde épouse du souverain de Magens, est retrouvée morte au pied de son balcon. Le drame vient fragiliser une succession à haut risque pour ce royaume occitan qui doit sa survie à la protection de Rome. La reine s'est-elle donné la mort ou l'a-t-on assassinée ? Dans un thriller médiéval mené tambour battant, Lluis Llach met en scène la rivalité entre les pouvoirs spirituel et séculier dans un royaume imaginaire qui compte trois princes héritiers, deux de trop... L'occasion pour cet écrivain profondément engagé de démontrer que, même si elle revêt aujourd'hui d'autres formes, la lutte entre la croix et l'épée est loin d'être reléguée aux oubliettes de l'Histoire.
Il existe, dans la vie de saint Augustin, une immense part d'ombre : celle où se tient Elissa, qui partagea sa foi manichéenne, fut sa concubine, donna naissance à son fils, fut écartée de sa vie. Vingt-cinq ans après leur première rencontre, depuis Carthage, elle observe l'ascension (et déchiffre les revirements) de cet irremplaçable "disparu".
Un grand western, illustré de dessins de l'auteur, jamais traduit en français et dont l'adaptation cinématographique de Robert Parrish connut un immense succès. Martin Brady, jeune Américain, se cache depuis son adolescence au Mexique après avoir tué l'assassin de son père. Pistolero au service de deux frères mexicains riches et voyous, sa vie bascule quand une blessure le retient à El Paso, ville américaine jouxtant le Mexique. Au moment où les luttes de pouvoir des deux côtés de la frontière se déchaîneront, Brady, éternel étranger, sera tiraillé entre les belligérants et aura des décisions importantes à prendre. Un roman juste, quasi historique sur les deux cultures qui s'affrontent, riche en suspens et en émotion, mais aussi enchanteur par ses descriptions de paysages époustouflants.
Le sergent Desportes, vieux briscard aussi courageux que respecté, défend la loi dans le sud-ouest américain. Il rencontre et sauve dans le désert un étrange gamin à la jambe fracturée, Bud, dont le cheval a été blessé. Entre ces deux hommes si dissemblables naît une étrange amitié, à la fois ambiguë et teintée, chez le sergent, de sentiments paternels. W. R. Burnett s'est inspiré de Billy the Kid pour créer le personnage si moderne de Bud, ce gamin aux multiples facettes, secret et ambitieux, intelligent et roublard, qui a quelque chose du pervers narcissique. Au fil des traques s'enchaînant sans relâche, admiration et trahison s'avèrent indissociables. L'auteur de Terreur apache nous offre ici un roman haletant, tendu, elliptique, dépouillé, qui déploie toute une galerie de personnages inoubliables et offre des remarques saisissantes sur cette région encore sauvage et cette époque de violences.
Cet "assez gros fabliau", proprement savoureux, intelligent et drôle, s'inspire de la vie et de l'oeuvre de Hans Holbien (alias Jean Jambecreuse), peintre et graveur allemand du XVIe siècle, qui s'installe à Bâle en 1515 au moment où François Ier vient de remporter l'éclatante victoire de Marignan. Rigoureusement documenté et souvent teinté de grivoiserie et d'humour, ce texte nous entraîne au coeur de ce XVIe siècle en mutation qui annonce la Réforme. Si les "extravagantes aventures de Jean Jambecreuse" conduisent le lecteur dans le quotidien - parfois cru - d'un homme de cette époque, nous invitant à découvrir les tavernes, les imprimeries, les ateliers d'artistes, les bordels, les bains, etc., elles nous permettent également de côtoyer les plus grands de ce monde (François Ier, Érasme, Léonard de Vinci...).
De 1870, on conserve le souvenir d'un désastre. D'autres ont suivi, comblant l'abîme où la guerre avait précipité Napoléon III. L'été en enfer est l'histoire de ce plongeon vertigineux, le "road movie", en quelque sorte, de l'errance impériale, chaotique, solitaire, et si cruelle qu'elle érige la gabegie en véritable tragédie classique.
Bruxelles, décembre 2013. Mahmoud Shammosh, un doctorant en droit de l'université d'Uppsala s'intéressant aux conflits armés et aux droits de l'homme, se voit confronté à des données sensibles qui, aux dires de son informateur, pourraient bien déclencher un scandale international. En quelques heures, la situation s'envenime : le sang commence à couler, marquant le début d'une traque haletante à travers l'Europe, à laquelle Klara Walldéen, employée au Parlement européen et ex-compagne de Mahmoud, prendra une grande part. Elle est loin de se douter que celui qui, trente ans plus tôt, l'a abandonnée sur les marches de l'ambassade de Suède à Damas, rôde également dans les parages. De Damas à Stockholm, de l'Irak aux États-Unis, de 1980 à 2013, les frontières s'étiolent, les heures s'étirent, les fils du récit convergent jusqu'à ce que la vérité se révèle, non sans avoir coûté quelques vies et beaucoup d'efforts.
Nous sommes à Bethléem. Hérode vient d'ordonner la mise à mort de tous les garçons de moins de deux ans. Une troupe d'élite passe de maison en maison et exécute l'ordre avec véhémence. Aucun des soldats n'est en mesure de déterminer l'âge de tous ces enfants, ils ne s'en formalisent pas. Soudain, Cato, le leader du groupe, vomit ses tripes au lieu d'abattre son épée. La nuit a été longue... S'étendant sur une période de quarante ans suivant la naissance de Jésus, Les Enfants de Dieu est un roman hors norme, intemporel, dont les résonances avec la situation actuelle de Gaza et du Moyen-Orient, de Daesh et de la montée de l'extrémisme sont frappantes.
Rejeton d'une illustre famille des Gaulois Allobriges, Décimus Valérius Asiaticus brilla de mille feux au Ier siècle apr. J.-C. Pourtant, à l'issue d'un procès retentissant, il fut condamné à la peine capitale par l'empereur Claude. C'est sur ces événements historiques que s'appuie ce roman aux péripéties haletantes qui entraîne le lecteur dans l'Empire romain à ses débuts, notamment à Marseille, à Vienne et à Rome.
En 1629, au large de l'Australie, les quelque deux cent cinquante rescapés du naufrage d'un navire de commerce néerlandais sont victimes du plus grand massacre du XVIIe siècle. De cet épisode sanguinaire Marc Biancarelli s'empare pour donner vie, corps et âme à des hommes contaminés par le Mal, qui corrompt ceux qui le touchent du doigt en un cercle vicieux interrogeant perpétuellement ses origines.
1880. Depuis quinze ans, la guerre de sécession est terminée mais les blessures subies ont rendu les hommes susceptibles, coléreux. L'alcool et le manque de femmes font le reste. Au pied des montagnes, en Arizona, dans une région de colons ranchers, une communauté d'éleveurs va vivre une semaine terrifiante. Une série de malentendus et de présomptions alimentées par l'envie et la jalousie vont grossir en un conflit violent impliquant une cinquantaine de ranchers de la région. Le malheur va s'abattre sur les Randal, la famille la plus prospère du coin, et sur Arch Eastmere, l'enfant maudit du pays, usé par ses errances et ses mauvaises fortunes.
1521 : les Turcs menacent une chrétienté divisée. La période est trouble, entre la mort de deux papes, les querelles des princes et le schisme de Luther. À Bâle, le jeune Jean Jambecreuse est désormais un peintre reconnu, patronné par Érasme, et un bourgeois considéré, surtout des dames. Mais il est tenté par le service de François Ier, roi de France, puis découvre les malheurs de la guerre lors de la révolte des rustauds, enfin vogue vers la lointaine Angleterre, au pays de celui qui n'était pas encore Barbe Bleue. Ses tribulations ne sont pas terminées...
Ce récit, basé sur des faits réels, nous emmène au XVIe siècle, du côté du sultanat de Cambaïa, en Inde, où Afonso de Albuquerque se voit offrir par le potentat local, le sultan Muzaffar, un cadeau pour le moins étrange et encombrant : un énorme rhinocéros, animal inconnu alors en Occident. Ce voyage périlleux, conté avec humour, nous conduit à travers le monde, notamment dans l'atelier de Dürer, qui a effectué une gravure sur bois de l'animal aujourd'hui conservée au British Museum.
Dans une bourgade de Gaule romaine, des moissonneurs butent sur un corps décapité aux doigts brûlés, gisant dans un fossé. Sur sa poitrine repose une petite poupée en ivoire, enroulée dans un rouleau de plomb, sans tête elle aussi. L'édile du bourg, Caius Julius Sénovir, se rend sur place pour tâcher d'éclaircir les circonstances du drame. Deux mille ans plus tard, dans une banlieue en construction, un squelette sans tête est retrouvé sous un futur parking... Un étrange hasard de l'Histoire fait de Caius et de Karin les co-enquêteurs d'un même dossier criminel, à deux millénaires d'intervalle. Cette aventure entraîne le lecteur dans un monde romain dévasté par la guerre, les crimes d'État et les scandales sanitaires. Un univers impitoyable où les affairistes, les soldats, les intendants et les hommes en général dictent leur loi. Hanté par les vagabonds et les dernières tribus sauvages qui résident dans les collines, ce monde-là offre tous les ingrédients d'une conquête de l'Ouest avant la lettre.
L'existence mouvementée et dramatique de l'actrice américaine Frances Farmer (1913-1970) a largement excédé son emploi cinématographique de jolie blonde à la raisonnable impertinence. Ce roman découpé en sept tableaux, de la lumière à l'ombre, de Hollywood à la claustration, soutient une réflexion politique sur le corps jeté en pâture à la gloire.
Sur les vestiges des colonisateurs de la Rome antique, Marc Barca, dit « Le Mama », a édifié dans la région de Sète un empire de béton gagné sur des terres deltaïques toujours plus menacées par les eaux montantes de la Méditerranée, en bâtisseur amnésique de sa propre histoire mais émerveillé de laisser à son tour son empreinte sur un territoire rendu légendaire par la succession des siècles. Magnifique variation sur la permanence du mythe de Prométhée confronté au pouvoir destructeur des exils intérieurs, ce roman célèbre la force du désir humain d'aventure et la transitoire et douloureuse beauté de ses accomplissements promis à la corruption ou à l'effacement.