Trois récits majeurs de Kafka - "La Métamorphose", "Le Verdict" et "Le Mécano" - réunis en un volume. Kafka, habituellement réticent à publier, soumet ce projet à son éditeur dès 1913, à qui il écrit : "Il existe entre ces trois textes un lien manifeste, et même au-delà, un lien secret". Il ne paraîtra en allemand qu'en 1989 et pour la première fois en français avec le présent ouvrage.
Tous les trois surgissent en 1912, dans un intervalle intense et libérateur de dix semaines. On y retrouve les thématiques de l'oeuvre ultérieure ainsi que l'influence profonde de la mystique juive.
Envisagé comme un tout fondateur, infusé par la mythologie kabbalistique, Les Fils permet de renouer avec la démarche originelle de Kafka et ouvre de nouvelles pistes de lecture d'une oeuvre inépuisable...
Franz Kafka (1883-1924) est un écrivain tchèque de langue allemande. De santé fragile, en conflit avec son père, il mène une vie d'employé solitaire le jour.
Cette existence nourrit un univers irréel, angoissant et absurde, marqué par la culpabilité, la perte d'identité et la lutte désespérée contre les puissances supérieures.
Condamné par la tuberculose dès 1917, il laisse derrière lui une oeuvre labyrinthique, publiée en partie contre sa volonté après sa mort par son ami Max Brod.
En 1930, Jacques Decour part durant un an enseigner le français en Allemagne, à Magdebourg. Alors âgé de vingt ans, il ramène de ce séjour un texte inclassable : à la fois journal intime d'un séjour dans le monde étriqué de l'enseignement, chronique d'une ville en proie à la bêtise petite-bourgeoise (philister signifiant en allemand philistin, béotien, bourgeois...), essai sur les mentalités à un moment charnière de l'histoire européenne.
Jacques Decour, rompu à l'art du trait vif et de l'ironie, se fait le témoin d'une société en plein bouleversement politique, alors que le national-socialisme s'enracine dans la vie quotidienne.
Philisterburg est le récit d'un homme lucide qui, aux prises avec une période trouble comme avec ses propres préjugés, ne poursuit qu'un seul but : comprendre.
Jacques Decour est le nom de plume de Daniel Decourdemanche (1910-1942). Agrégé d'allemand à 22 ans, il publie dès 1930 plusieurs ouvrages à la NRF, dont Philisterburg (1932). Professeur de lycée, il adhère au Parti communiste français. Après la "drôle de guerre", il participe à la création de La Pensée libre. À la tête du Comité national des écrivains, il prend part au premier numéro des Lettres françaises. Il est arrêté le 17 février 1942, et fusillé le 30 mai 1942 au Mont-Valérien.
Le Massacre des illusions offre les réflexions de Leopardi consacrées à la politique, à la société et à l'histoire des civilisations.
Rebelle à tout esprit de système, loin de toute tentation doctrinaire et superstition rationaliste, il cisèle l'ère du temps par un regard critique incisif et un sens aigu des détails. Digne héritier de Machiavel, son ironie désespérée, sa finesse et son pessimisme lumineux le placent dans la lignée des plus grands moralistes. Observateur lucide de ses semblables, Leopardi fait dans Le Massacre des illusions un portrait de son époque toujours aussi actuel. À l'abri de toute idéologie ou récupération, il ne se préoccupe que de ce qu'il voit : l'homme et son monde.
D'une précocité inouïe, Leopardi (1798-1837) apprend seul une demi-douzaine de langues, dont le grec et l'hébreu. Adolescent, il livre ses premiers travaux philologiques, une tragédie et une histoire de l'astronomie, avant d'écrire des poèmes qui, réunis et publiés en 1831 sous le nom de Canti, établiront sa gloire. À l'âge de 19 ans, il entame l'écriture du Zibaldone (Allia, 2003). Il meurt à Naples en 1837, après une indigestion de glace au citron.
La ville est là, cachée derrière ces vers, cité précaire, peuplée de noctambules destinés à s'échouer sur son rivage. Quelques chiens qui rôdent et jouent à la bagarre, mais surtout des humains aux prises avec leurs désirs. Les amours brûlent et se succèdent, comme des clopes. Simon Johannin travaille ses obsessions poétiques avec rage. Certains motifs reviennent incessamment : un ressac d'urine, de sang et de boisson...
Sa poésie avance le plus souvent sans ponctuation, à l'image de ces jeunes qui courent lacets défaits, sans trébucher. La sensualité se gorge d'ivresse, les lettres titubent, s'écrasent puis se relèvent. Avec ce premier recueil de poésie, Simon Johannin ouvre sur un monde peuplé d'anges meurtris aux ailes cramées : « Le mal est fait/ Le plaisir est partout ».
Né à Mazamet dans le Tarn en 1993, Simon Johannin grandit dans l'Hérault. Il quitte le domicile parental à 17 ans et s'installe à Montpellier pour suivre des études de cinéma à l'Université, qu'il déserte rapidement. Il travaille ensuite en intérim, puis comme vendeur de jouets, avant d'intégrer l'atelier d'espace urbain de l'école de La Cambre à Bruxelles de 2013 à 2016. Il publie son premier roman L'Été des charognes en 2017, puis Nino dans la nuit en janvier 2019 avec Capucine Johannin.
Truffée de dialogues truculents, l'écriture pleine de vivacité de ce roman plante à la perfection ses personnages. Nino, dix-neuf ans, raconte ses galères pour survivre sans argent à Paris. Amoureux de Lale, il voit son couple menacé par la pauvreté, contre laquelle il essaie coûte que coûte de lutter sans perdre sa volonté de vivre. C'est une vie de débrouille ponctuée de fêtes, celle d'une jeunesse qui cumule les petits boulots et les trafics en tout genre. Les réflexions et observations pleines d'acuité de Nino sur ce qui l'entoure esquissent le portrait d'une génération qui tente de trouver sa place dans un monde où il n'y en a plus, d'envisager un avenir. Contre l'accablement, la fureur de vivre anime les personnages de cette fresque nocturne mouvementée, fidèle à notre époque.
Simon Johannin a grandi dans l'Hérault. À 17 ans, il suit des études de cinéma à l'Université de Montpellier, qu'il déserte rapidement. Il travaille en intérim puis vend des jouets, avant d'intégrer l'atelier d'espace urbain de La Cambre à Bruxelles, de 2013 à 2016. Son premier roman L'Été des charognes paraît en 2017. Quant à Nino dans la nuit, il résulte d'une collaboration avec Capucine Spineux, cerveau de la désertion initiale et de la route suivie depuis par les deux.
Ici c'est La Fourrière, un "village de nulle part" et c'est un enfant qui raconte : massacrer le chien de "la grosse conne de voisine", tuer le cochon avec les hommes du village, s'amuser au "jeu de l'arabe", rendre les coups et éviter ceux des parents.Ici on vit retiré, un peu hors-la-loi, pas loin de la misère aussi. Dans cette Guerre des boutons chez les rednecks, les bêtes sont partout, les enfants conduisent leurs parents ivres morts dans des voitures déglinguées et l'amitié reste la grande affaire.C'est un pays d'ogres et d'animaux errants, un monde organique fait de pluie et de graisse, de terre et d'os, où se répandent les fluides des corps vivants et ceux des bestioles mortes. Même le ramassage scolaire ressemble au passage des équarisseurs.Mais bientôt certains disparaissent, les filles vous quittent et la forêt finit par s'éloigner.D'une bagarre l'autre, la petite musique de ce premier roman vous emmènera jusqu'à l'adolescence, quand la douleur fait son entrée et que le regard change, dans les turbulences d'une langue outrancière au plus près du rythme de l'enfance : drôle et âpre, déchirante et fièvreuse, traversée de fulgurances.
Le sacrifice, une pratique brutale qui nous serait totalement étrangère ?
Rien n'est moins sûr, comme le démontre magistralement Essai sur la nature et la fonction du sacrifice. Avec ce texte paru en 1899 dans L'Année sociologique, Hubert et Mauss prennent leurs distances avec la méthode anthropologique traditionnelle. Véritable classique des sciences humaines, il constitue le premier jalon d'une étude systématique de la religion et du sacré. En traitant le sacrifice en fait religieux, et donc en fait social, celui-ci devient ainsi un objet d'étude accessible à la sociologie.
Par une étude comparative des formes du sacrifice, les auteurs battent en brèche toute notion de généalogie, pour en dégager le "noyau" : l'unité générique du sacrifice à travers les âges et les sociétés.
Marcel Mauss (1872-1950), grande figure de l'anthropologie française, a construit pendant plusieurs décennies une oeuvre protéiforme qui a marqué l'ensemble des sciences humaines. Socialiste, il a su allier son travail et ses convictions, notamment dans le contexte de l'affaire Dreyfus.
Henri Hubert (1872-1927) fut le collègue de Mauss à L'École pratique des hautes études. Sociologue et archéologue, il se spécialisa dans l'étude des religions comparées dans l'Antiquité orientale.
Les jeunes cadres ambitieux ne sont plus ce qu'ils étaient ! Des hippies d'hier, les nouveaux yuppies ont hérité du refus des normes. Ou tout au moins de « certaines » normes. Tout leur secret réside dans cette combinaison de contre-culture, de valeurs progressistes et de surconsommation.
Le Monopole de la vertu retrace le parcours de cette « classe managériale » : revirements, hypocrisie, stratégies élitistes... Jusqu'à Donald Trump qui s'assura la victoire en catalysant le ressentiment populaire à leur égard. Loin des arguments des conservateurs ayant pris pour cible cet avatar des « bobos bien-pensants », Catherine Liu livre une réflexion mordante sur une classe de cadres intellectuels qui, en s'adaptant aux contradictions du capitalisme, lui permettent d'en perpétuer le règne.
Née en 1964 à Taïwan, Catherine Liu est professeure au département des études cinématographiques et visuelles de l'université de Californie. Influencée par l'école de Francfort, ses recherches portent sur l'histoire intellectuelle des classes sociales et des identités, le populisme, les inégalités, la psychanalyse. Elle a notamment publié The American Idyll : Academic Anti-Elitism as Cultural Critique (University of Iowa Press, 2011) et le roman Oriental Girls Desire Romance (Kaya Press, 2012).
Première véritable incursion de Dada dans le domaine du récit, L'Autruche aux yeux clos porte une magnifique exigence libertaire qui n'épargne rien, et surtout pas les conventions du genre : courses autour du monde, faux exotisme, poursuites amoureuses à la conclusion sans cesse différée, action improbable imprégnée d'humour noir.
Face au constat de la vanité de toute chose et la conscience aiguë de la finitude qui guette inexorablement, les héros de ce roman se promènent dans un monde où la raison et la morale n'ont pas vraiment cours. Ils traversent les époques et les pays au gré de leur envie et de leur sensualité, gouvernés par le seul principe de semer le désordre... dans le langage comme dans le monde !
Georges Ribemont-Dessaignes est un écrivain, poète, dramaturge et peintre français. En 1915 à Paris, il est l'un des précurseurs du mouvement « Dada ». On dira de lui qu'il avait écrit « le seul théâtre dada, la seule musique dada », anticipant dans ces deux domaines les développements ultérieurs des thèmes de l'absurde et du recours à l'aléatoire. Rejoignant ensuite le surréalisme, il rompt dès 1929 avec André Breton. Il se retire en 1947, et se consacre à la peinture. Il meurt en 1974.
« L'art c'est comme le chinois, ça s'apprend », aurait dit Picasso. Il aurait pu ajouter que l'enseignement du chinois constitue un art à part entière. C'est ce que démontre Jean François Billeter dans son essai L'Art d'enseigner le chinois, adressé à tous les lecteurs, et non seulement aux professeurs ou étudiants de chinois.
Dans cette réflexion sur le pouvoir des mots, il révèle toute la finesse requise pour enseigner cette langue en tout point différente de la nôtre. Comme la musique, le chinois, pour être compris, doit être pratiqué. Le lecteur est ainsi invité à s'approprier quelques phrases caractéristiques pour comprendre comment entrer dans cet idiome, même sans en être familier. Jean François Billeter se révèle être, en plus d'un brillant sinologue, un pédagogue modèle.
Après avoir été professeur d'études chinoises à Genève, Jean François Billeter a quitté l'université pour se consacrer à ses propres travaux. Dans ses études sur certains textes remarquables de Tchouang-tseu et sur l'art chinois de l'écriture, il allie la plus grande rigueur sinologique au souci constant de se faire comprendre des lecteurs non sinologues, à la fois par la clarté de l'expression et par la richesse des références à l'héritage occidental, ou simplement à l'expérience commune.
L'Essai sur le don de Marcel Mauss est l'un des textes majeurs, si ce n'est le texte majeur, de l'anthropologie du XXe siècle. Par l'étude des systèmes d'échange de la kula et du potlatch, il démontre que le don fut historiquement l'un des moteurs de nos sociétés. À l'encontre de tout rationalisme le potlatch, pratiqué chez certaines tribus amérindiennes, amène au sommet de l'échelle sociale les individus capables de se défaire de tout ce dont ils possèdent. Un système qui se révèle radicalement opposé au nôtre, où les possédants détiennent le pouvoir.
Dans cet ouvrage précurseur, Mauss bat en brèche bon nombre d'idées reçues sur les principes de l'échange et du don. Par-delà leur dimension économique une dimension spirituelle. "Nous n'avons pas qu'une morale de marchand " conclut Mauss.
Marcel Mauss (1872-1950) est la grande figure de l'anthropologie française, ainsi que le neveu du sociologue Émile Durkheim. Il a construit pendant plusieurs décennies une oeuvre protéiforme et a marqué en profondeur l'ensemble des sciences humaines de son siècle. Son essai anthropologique sur le don a bouleversé notre regard historique sur l'économie. Il a su conjuguer son travail de recherche à des convictions socialistes, et s'engagea en particulier en faveur du colonel Dreyfus.
Jean François Billeter démontre ce qui caractérise la langue chinoise, composée de mots monosyllabiques et invariables : ces mots sont reliés entre eux par des gestes intérieurs. Ils sont du même ordre que ceux qu'emploie le musicien pour lier les notes d'une partition musicale. Le sinologue apprend ainsi au lecteur à exécuter ces gestes, à les comprendre et à en éprouver la subtile beauté. Cet essai se fonde sur la conviction que ce n'est qu'en pratiquant le chinois, peu importe son niveau, qu'on pourra en avoir une connaissance minimale.
Pas seulement à destination des spécialistes, l'ouvrage s'adresse à tout lecteur soucieux de mieux comprendre le phénomène extraordinaire du langage : universellement partagé, jamais parfaitement compris, et constamment en mouvement.
Après avoir été professeur d'études chinoises à Genève, Jean François Billeter a quitté l'université pour se consacrer à ses propres travaux. Dans ses études sur certains textes remarquables de Tchouang-tseu et sur l'art chinois de l'écriture, il allie la plus grande rigueur sinologique au souci constant de se faire comprendre des lecteurs non sinologues, à la fois par la clarté de l'expression et par la richesse des références à l'héritage occidental, ou simplement à l'expérience commune.
Le travail est-il moral ou immoral ?La société capitaliste envisage le travail selon une conception éthique autant que religieuse.Considéré comme une vertu, la question de ses conditions tend à n'être plus posée. À l'inverse, si on le mésestime, il entraîne des revendications économiques et sociales. Mais l'engrenage du travail, censé favoriser l'élévation vers les hautes sphères de l'esprit, y fait aussi obstacle en justifiant l'asservissement. Pour résoudre cette équation insoluble, le philosophe italien reprend à son compte, avec un art de la transmission qui lui est propre et parfois non sans les critiquer, les travaux de Schiller, Simmel, et même le Manifeste du parti communiste de Marx et Engels. Surtout, Rensi démontre ici, de nouveau, sa faculté de stimuler les esprits. Car si, à ses yeux, la haine que le travail inspire apparaît proportionnelle au désir d'atteindre la véritable destinée humaine, il valorise du même coup le jeu, l'art, la passion des sciences, toute activité susceptible d'échapper à la contrainte et au diktat de l'argent.
Au début du XXe siècle, sous l'égide de l'Organisation sioniste mondiale, les fondements de l'État d'Israël tel que nous le connaissons sont posés. Coup de tonnerre : en 1905, Israel Zangwill quitte l'organisation dont il est un membre historique. Partisan de la création d'un État juif, il demeure sceptique quant à l'idée de le localiser en Palestine. À la fin de sa vie, Zangwill résume ses positions dans un ouvrage majeur, où il propose même une relecture de l'Ancien Testament.Il réconcilie le projet d'un État juif avec des idéaux pacifistes, humanistes, et révolutionnaires. Il se montre tout aussi soucieux de préserver son peuple de la montée des périls, que de respecter l'occupation historique du territoire convoité. Nécessairement, son propos prend aujourd'hui une lueur particulière.
Israel Zangwill (1864-1926) est un écrivain, essayiste et journaliste britannique. Il connaîtra un certain succès littéraire. Conscient des dangers qui menacent les juifs à la fin du XIXe siècle, il s'interroge sur la survie de son peuple et envisage la création d'un État juif. Critique envers les visées coloniales de l'Organisation sioniste mondiale, il la quitte en 1905. Il fonde alors l'Organisation juive territorialiste qui entend créer un État juif hors de la Palestine.
La narratrice - alter ego de l'auteur - vient d'être internée dans un sanatorium. Son mal ? Le complexe de l'argent. Dans ce roman épistolaire, elle raconte sardoniquement ses déboires financiers à son amie Maria. Une galerie de personnages loufoques défile : Henry, entrepreneur fauché ; Balailoff, prince alcoolique obsédé par son futur mariage ; ou encore Baumann, docteur freudien largement aussi névrosé et angoissé que ses patients.La perspective d'un hypothétique héritage hante l'imaginaire de ces originaux. Mais le complexe de l'argent pousse les personnages dans une véritable fuite en avant, si bien qu'ils n'osent même plus ouvrir leur courrier. Heureusement la faillite de la banque finira par libérer la narratrice de ses angoisses : désormais c'est elle la créancière.
Franziska zu Reventlow est née en 1871 dans une famille aristocrate allemande. Éprise de liberté, elle rompt avec son milieu et mène une vie d'artiste. Son oeuvre est un témoignage de la perception féminine du dandysme et de la vie de bohème dans les milieux littéraires et artistiques de Munich à la Belle Époque. Écrivaine, traductrice et peintre, elle paiera cher son indépendance. Elle avouera avoir sacrifié son pays, sa famille, et l'homme de sa vie, pour s'accomplir.
Seules les oeuvres de Sade ou certains textes de Bataille offrent un équivalent de ce livre qui ne respecte absolument aucun tabou et dont la crudité n'est plus recouverte par le voile de l'ironie. Les surréalistes plaçaient cet ouvrage au plus haut de la littérature française. C'est aussi qu'il allie l'élégance de la prose et de l'expression à l'inconvenance la plus débridée.
De la Seconde Guerre mondiale aux années de plomb, Salvatore Messana fit preuve d'un zèle remarquable pour mener l'inverse d'une vie bien rangée. Tour à tour marin, gangster et ouvrier, il n'est jamais le dernier pour s'encanailler : c'est bien là tout son charme.Vagabondeur professionnel, il fait ses gammes en volant des camions, entre deux balades en vespa. Après un passage derrière les barreaux, il côtoie la classe ouvrière milanaise. Il devient un véritable maître dans l'art de la perception d'indemnités de licenciement, et plume ses chefs les uns après les autres, avec une grâce savoureuse. Difficile de ne pas s'enthousiasmer pour un tel individu, chez qui la lutte des classes prend des allures de partie de Monopoly, où le jackpot n'est finalement jamais très loin de la case prison!
Gianni Giovannelli est né à Ferrara en 1949, et a exercé la profession d'avocat à Milan. Il a écrit un grand nombre d'articles sur des sujets juridiques et littéraires, avec un certain goût pour la polémique. Il a publié en Italie les ouvrages Svaraj Gandharva e Volta (1985) et Confessioni di un uomo malvagio (1988). Il a également écrit sous le pseudonyme de Palmiro Lettera al Giudice Forno (1981) et Poesie dalla latitanza (1982).
Dans ce texte fulgurant, Friederich rétablit les origines de la doctrine transhumaniste au sein de l'histoire des idées, afin de désamorcer la "coupure historique" que celle-ci tente d'initier. Ce faisant, il dénonce cette idéologie nouvelle qui tente d'améliorer grâce aux sciences la condition humaine mais ne fait que relever à ses yeux d'une profonde inhumanité. Il débusque notamment les procédés invisibles auxquels les "technoprophètes", comme il les qualifie, ont recours pour parvenir à leur fin. Sa critique se double par conséquent d'une dénonciation du capitalisme, dont le transhumanisme est entièrement tributaire. En s'attachant au corps seul, en niant l'esprit, le transhumanisme apparaît comme une dégénérescence du projet philosophique d'émancipation de l'homme.
Alexandre Friederich a vécu vingt ans à l'étranger avant d'entreprendre des études de philosophie à l'université de Genève. Colleur d'affiches et cycliste, il vit actuellement entre Fribourg, l'Italie, l'Espagne et Mexico. Il a publié aux éditions Allia easyJet en 2014 puis Fordetroiten 2015.
Face à un monde peuplé d'algorithmes et d'investisseurs, Robert rêve. Mieux, il invente. Sa « vitrine », capable de traiter et d'actualiser en permanence les données des entreprises, remporte un franc succès. Mais dans un monde soumis à un capitalisme implacable, la situation dégénère et le rêve tourne au cauchemar. Le triomphe de l'efficacité technique coïncide avec celui de la violence : les entreprises qui ont acheté l'invention subissent une vague de meurtres sans précédent.
Dépassé par les événements, sous la pression des investisseurs, Robert médite. Plongé dans l'horreur, il perd tout contact avec la réalité et s'absorbe dans une rêverie lugubre. Fantasmes et réalité se mélangent jusqu'à un paroxysme de confusion, qui se résoudra dans un déchaînement de violence...
Gilles Ribero, auteur et cinéaste, est né à Bondy en 1985. Il passe son enfance en banlieue parisienne puis étudie la géopolitique à l'université Paris 8. Les conflits qu'il étudie, et leur polyphonie, résonnent telles des fausses notes chez l'auteur en devenir. Il se réoriente vers l'étude des arts visuels et de la photographie, au Septantecinq à Bruxelles puis au centre d'art Le Fresnoy à Tourcoing. Clairières est son premier roman.
La musique est mystère, la musique est danger, mais surtout la musique reste possibilité. Il ne s'agit pas d'un divertissement passif. Au contraire, elle est toujours à même de créer chez l'auditeur des passions nouvelles et de changer le cours de sa vie.
Avec cette conférence prononcée le 20 janvier 1929, Paul Nougé signe l'un des textes majeurs du surréalisme, à la fois théorie philosophique et pamphlet politique. Si l'on a fait de la musique, de la peinture ou de la poésie de simples distractions, c'est pour mieux nier leur potentiel subversif, à même de bouleverser l'ordre social.
Avec un esprit d'une indépendance rare, Nougé se tourne vers les voies qui restent à explorer par les artistes de tous horizons. Ne soyez sûr que d'une chose : "Il est certain que la musique est dangereuse."
Le belge Paul Nougé (1895-1967) rencontre en 1925 Breton, Aragon et Eluard, et signe le tract La Révolution d'abord et toujours. Il devient, avec Magritte, le premier instigateur du surréalisme en Belgique et son théoricien le plus original. Il est le premier exégète de l'oeuvre de Magritte en publiant Les Images défendues en 1929. Il publie dans les revues Variétés et Documents. Mais Nougé est un solitaire. Il rompt avec André Breton en 1950 et rejoint Marcel Mariën et sa revue Les Lèvres nues.
Les trois textes "La vie des nonnes","La vie des femmes mariées" et "La vie des courtisanes" constituent la première partie des Ragionamenti. Dans un style riche en métaphores qui n'est pas sans rappeler celui de Rabelais, Pierre Arétin raconte les plaisirs de la chair auxquels s'adonnaient ses contemporaines. Se moquant allègrement des sacrements religieux (voeux monastiques, mariage et autres balivernes), il tourne en dérision la société de l'époque, préférant à l'hypocrisie des conventions religieuses la franchise des "putains".
Plongeant le lecteur en plein coeur de la crise de l'entre-deux guerres, ce journal d'un chômeur réussit à toucher, comme nul autre roman, la vérité brûlante, sanglante, et surtout humiliante d'une époque rimant avec misère. César Fauxbras livre ici un témoignage bouleversant. Le sordide hôtel pour chômeurs où il nous entraîne existe sûrement dans un coin perdu du XIIIe arrondissement de Paris ; là, le licencié ès lettres Jojo, l'ex-médecin marron Chouard, le ménage Voulaz, la fille Jeannette qui se donne par camaraderie, tous passés maîtres dans l'art du système D et des combines en tout genre, forment un de ces mille îlots perdus dans l'enfer de la grande ville. De galères en situations dramatiques, Thévenin, le narrateur, fait montre d'une ultra-lucidité comme d'une incroyable capacité à déceler l'hypocrisie et débusquer le ridicule ; ne serait-ce que dans la trivialité du quotidien ou dans les méandres d'une administration absurde et inhumaine. Malgré les petits boulots flirtant avec l'illégalité, la lutte des acolytes pour survivre semble vaine. La radiation du chômage les menace tous. La langue de Fauxbras se fait alors drue et corrosive, argotique, brute comme le sujet, son regard sur la société est cinglant. Il donne naissance, par le biais de ce récit intime, à un texte engagé, celui d'un révolté qui laisse transpirer son non-conformisme et un humour noir digne des grands auteurs du genre. Car face à la solitude et au désespoir, seul l'humour pourra les sauver. À moins qu'un pont au-dessus de la Seine ne fasse définitivement l'affaire. Un roman majuscule.
Au fil des ans, Scutenaire a égréné ses Inscriptions, dans le sillage de Restif de la Bretonne ou de Lichtenberg. Bien plus que de simples aphorismes - avec ce que le terme peut comporter de creux ou de factice -, les réflexions de Scutenaire vont au plus profond sans avoir l'air d'y toucher. Sa méfiance généralisée perce à ce jour les ressorts cachés du moi et du monde, et de cette déconstruction naît une oeuvre d'une richesse infinie, à laquelle on peut sans cesse revenir puiser.
"J'ai quelque chose à dire. Et c'est très court." Voilà qui résume la forme lapidaire, définitive et jouissive, privilégiée dans ce recueil, à mi-chemin entre le journal et le cahier d'humeur. Poèmes, aphorismes, sentences entendues et brefs récits se succèdent à un rythme effréné, comme s'il l'on suivait le cours de la pensée de ce poète anti-poète. Scutenaire ose écrire ce qu'il pense et touche à tous les registres du verbe. Il décrit les livres qu'il aime, les auteurs qui comptent, les mots qui lui importent ou les attitudes qui l'insupportent. Ce recueil regorge de trouvailles langagières et philosophiques, forme un puits de connaissance inépuisable et un témoignage sensible sur une personnalité hors du commun. "C'est ça le génie : ne pas le faire exprès."