Trois récits majeurs de Kafka - "La Métamorphose", "Le Verdict" et "Le Mécano" - réunis en un volume. Kafka, habituellement réticent à publier, soumet ce projet à son éditeur dès 1913, à qui il écrit : "Il existe entre ces trois textes un lien manifeste, et même au-delà, un lien secret". Il ne paraîtra en allemand qu'en 1989 et pour la première fois en français avec le présent ouvrage.
Tous les trois surgissent en 1912, dans un intervalle intense et libérateur de dix semaines. On y retrouve les thématiques de l'oeuvre ultérieure ainsi que l'influence profonde de la mystique juive.
Envisagé comme un tout fondateur, infusé par la mythologie kabbalistique, Les Fils permet de renouer avec la démarche originelle de Kafka et ouvre de nouvelles pistes de lecture d'une oeuvre inépuisable...
Franz Kafka (1883-1924) est un écrivain tchèque de langue allemande. De santé fragile, en conflit avec son père, il mène une vie d'employé solitaire le jour.
Cette existence nourrit un univers irréel, angoissant et absurde, marqué par la culpabilité, la perte d'identité et la lutte désespérée contre les puissances supérieures.
Condamné par la tuberculose dès 1917, il laisse derrière lui une oeuvre labyrinthique, publiée en partie contre sa volonté après sa mort par son ami Max Brod.
En 1930, Jacques Decour part durant un an enseigner le français en Allemagne, à Magdebourg. Alors âgé de vingt ans, il ramène de ce séjour un texte inclassable : à la fois journal intime d'un séjour dans le monde étriqué de l'enseignement, chronique d'une ville en proie à la bêtise petite-bourgeoise (philister signifiant en allemand philistin, béotien, bourgeois...), essai sur les mentalités à un moment charnière de l'histoire européenne.
Jacques Decour, rompu à l'art du trait vif et de l'ironie, se fait le témoin d'une société en plein bouleversement politique, alors que le national-socialisme s'enracine dans la vie quotidienne.
Philisterburg est le récit d'un homme lucide qui, aux prises avec une période trouble comme avec ses propres préjugés, ne poursuit qu'un seul but : comprendre.
Jacques Decour est le nom de plume de Daniel Decourdemanche (1910-1942). Agrégé d'allemand à 22 ans, il publie dès 1930 plusieurs ouvrages à la NRF, dont Philisterburg (1932). Professeur de lycée, il adhère au Parti communiste français. Après la "drôle de guerre", il participe à la création de La Pensée libre. À la tête du Comité national des écrivains, il prend part au premier numéro des Lettres françaises. Il est arrêté le 17 février 1942, et fusillé le 30 mai 1942 au Mont-Valérien.
La ville est là, cachée derrière ces vers, cité précaire, peuplée de noctambules destinés à s'échouer sur son rivage. Quelques chiens qui rôdent et jouent à la bagarre, mais surtout des humains aux prises avec leurs désirs. Les amours brûlent et se succèdent, comme des clopes. Simon Johannin travaille ses obsessions poétiques avec rage. Certains motifs reviennent incessamment : un ressac d'urine, de sang et de boisson...
Sa poésie avance le plus souvent sans ponctuation, à l'image de ces jeunes qui courent lacets défaits, sans trébucher. La sensualité se gorge d'ivresse, les lettres titubent, s'écrasent puis se relèvent. Avec ce premier recueil de poésie, Simon Johannin ouvre sur un monde peuplé d'anges meurtris aux ailes cramées : « Le mal est fait/ Le plaisir est partout ».
Né à Mazamet dans le Tarn en 1993, Simon Johannin grandit dans l'Hérault. Il quitte le domicile parental à 17 ans et s'installe à Montpellier pour suivre des études de cinéma à l'Université, qu'il déserte rapidement. Il travaille ensuite en intérim, puis comme vendeur de jouets, avant d'intégrer l'atelier d'espace urbain de l'école de La Cambre à Bruxelles de 2013 à 2016. Il publie son premier roman L'Été des charognes en 2017, puis Nino dans la nuit en janvier 2019 avec Capucine Johannin.
Truffée de dialogues truculents, l'écriture pleine de vivacité de ce roman plante à la perfection ses personnages. Nino, dix-neuf ans, raconte ses galères pour survivre sans argent à Paris. Amoureux de Lale, il voit son couple menacé par la pauvreté, contre laquelle il essaie coûte que coûte de lutter sans perdre sa volonté de vivre. C'est une vie de débrouille ponctuée de fêtes, celle d'une jeunesse qui cumule les petits boulots et les trafics en tout genre. Les réflexions et observations pleines d'acuité de Nino sur ce qui l'entoure esquissent le portrait d'une génération qui tente de trouver sa place dans un monde où il n'y en a plus, d'envisager un avenir. Contre l'accablement, la fureur de vivre anime les personnages de cette fresque nocturne mouvementée, fidèle à notre époque.
Simon Johannin a grandi dans l'Hérault. À 17 ans, il suit des études de cinéma à l'Université de Montpellier, qu'il déserte rapidement. Il travaille en intérim puis vend des jouets, avant d'intégrer l'atelier d'espace urbain de La Cambre à Bruxelles, de 2013 à 2016. Son premier roman L'Été des charognes paraît en 2017. Quant à Nino dans la nuit, il résulte d'une collaboration avec Capucine Spineux, cerveau de la désertion initiale et de la route suivie depuis par les deux.
Ici c'est La Fourrière, un "village de nulle part" et c'est un enfant qui raconte : massacrer le chien de "la grosse conne de voisine", tuer le cochon avec les hommes du village, s'amuser au "jeu de l'arabe", rendre les coups et éviter ceux des parents.Ici on vit retiré, un peu hors-la-loi, pas loin de la misère aussi. Dans cette Guerre des boutons chez les rednecks, les bêtes sont partout, les enfants conduisent leurs parents ivres morts dans des voitures déglinguées et l'amitié reste la grande affaire.C'est un pays d'ogres et d'animaux errants, un monde organique fait de pluie et de graisse, de terre et d'os, où se répandent les fluides des corps vivants et ceux des bestioles mortes. Même le ramassage scolaire ressemble au passage des équarisseurs.Mais bientôt certains disparaissent, les filles vous quittent et la forêt finit par s'éloigner.D'une bagarre l'autre, la petite musique de ce premier roman vous emmènera jusqu'à l'adolescence, quand la douleur fait son entrée et que le regard change, dans les turbulences d'une langue outrancière au plus près du rythme de l'enfance : drôle et âpre, déchirante et fièvreuse, traversée de fulgurances.
Les jeunes cadres ambitieux ne sont plus ce qu'ils étaient ! Des hippies d'hier, les nouveaux yuppies ont hérité du refus des normes. Ou tout au moins de « certaines » normes. Tout leur secret réside dans cette combinaison de contre-culture, de valeurs progressistes et de surconsommation.
Le Monopole de la vertu retrace le parcours de cette « classe managériale » : revirements, hypocrisie, stratégies élitistes... Jusqu'à Donald Trump qui s'assura la victoire en catalysant le ressentiment populaire à leur égard. Loin des arguments des conservateurs ayant pris pour cible cet avatar des « bobos bien-pensants », Catherine Liu livre une réflexion mordante sur une classe de cadres intellectuels qui, en s'adaptant aux contradictions du capitalisme, lui permettent d'en perpétuer le règne.
Née en 1964 à Taïwan, Catherine Liu est professeure au département des études cinématographiques et visuelles de l'université de Californie. Influencée par l'école de Francfort, ses recherches portent sur l'histoire intellectuelle des classes sociales et des identités, le populisme, les inégalités, la psychanalyse. Elle a notamment publié The American Idyll : Academic Anti-Elitism as Cultural Critique (University of Iowa Press, 2011) et le roman Oriental Girls Desire Romance (Kaya Press, 2012).
Première véritable incursion de Dada dans le domaine du récit, L'Autruche aux yeux clos porte une magnifique exigence libertaire qui n'épargne rien, et surtout pas les conventions du genre : courses autour du monde, faux exotisme, poursuites amoureuses à la conclusion sans cesse différée, action improbable imprégnée d'humour noir.
Face au constat de la vanité de toute chose et la conscience aiguë de la finitude qui guette inexorablement, les héros de ce roman se promènent dans un monde où la raison et la morale n'ont pas vraiment cours. Ils traversent les époques et les pays au gré de leur envie et de leur sensualité, gouvernés par le seul principe de semer le désordre... dans le langage comme dans le monde !
Georges Ribemont-Dessaignes est un écrivain, poète, dramaturge et peintre français. En 1915 à Paris, il est l'un des précurseurs du mouvement « Dada ». On dira de lui qu'il avait écrit « le seul théâtre dada, la seule musique dada », anticipant dans ces deux domaines les développements ultérieurs des thèmes de l'absurde et du recours à l'aléatoire. Rejoignant ensuite le surréalisme, il rompt dès 1929 avec André Breton. Il se retire en 1947, et se consacre à la peinture. Il meurt en 1974.
La narratrice - alter ego de l'auteur - vient d'être internée dans un sanatorium. Son mal ? Le complexe de l'argent. Dans ce roman épistolaire, elle raconte sardoniquement ses déboires financiers à son amie Maria. Une galerie de personnages loufoques défile : Henry, entrepreneur fauché ; Balailoff, prince alcoolique obsédé par son futur mariage ; ou encore Baumann, docteur freudien largement aussi névrosé et angoissé que ses patients.La perspective d'un hypothétique héritage hante l'imaginaire de ces originaux. Mais le complexe de l'argent pousse les personnages dans une véritable fuite en avant, si bien qu'ils n'osent même plus ouvrir leur courrier. Heureusement la faillite de la banque finira par libérer la narratrice de ses angoisses : désormais c'est elle la créancière.
Franziska zu Reventlow est née en 1871 dans une famille aristocrate allemande. Éprise de liberté, elle rompt avec son milieu et mène une vie d'artiste. Son oeuvre est un témoignage de la perception féminine du dandysme et de la vie de bohème dans les milieux littéraires et artistiques de Munich à la Belle Époque. Écrivaine, traductrice et peintre, elle paiera cher son indépendance. Elle avouera avoir sacrifié son pays, sa famille, et l'homme de sa vie, pour s'accomplir.
Seules les oeuvres de Sade ou certains textes de Bataille offrent un équivalent de ce livre qui ne respecte absolument aucun tabou et dont la crudité n'est plus recouverte par le voile de l'ironie. Les surréalistes plaçaient cet ouvrage au plus haut de la littérature française. C'est aussi qu'il allie l'élégance de la prose et de l'expression à l'inconvenance la plus débridée.
De la Seconde Guerre mondiale aux années de plomb, Salvatore Messana fit preuve d'un zèle remarquable pour mener l'inverse d'une vie bien rangée. Tour à tour marin, gangster et ouvrier, il n'est jamais le dernier pour s'encanailler : c'est bien là tout son charme.Vagabondeur professionnel, il fait ses gammes en volant des camions, entre deux balades en vespa. Après un passage derrière les barreaux, il côtoie la classe ouvrière milanaise. Il devient un véritable maître dans l'art de la perception d'indemnités de licenciement, et plume ses chefs les uns après les autres, avec une grâce savoureuse. Difficile de ne pas s'enthousiasmer pour un tel individu, chez qui la lutte des classes prend des allures de partie de Monopoly, où le jackpot n'est finalement jamais très loin de la case prison!
Gianni Giovannelli est né à Ferrara en 1949, et a exercé la profession d'avocat à Milan. Il a écrit un grand nombre d'articles sur des sujets juridiques et littéraires, avec un certain goût pour la polémique. Il a publié en Italie les ouvrages Svaraj Gandharva e Volta (1985) et Confessioni di un uomo malvagio (1988). Il a également écrit sous le pseudonyme de Palmiro Lettera al Giudice Forno (1981) et Poesie dalla latitanza (1982).
Ce texte inclassable a d'abord été l'un des plus fulgurants manifestes dada, dont Tristan Tzara s'est inspiré pour son Manifeste Dada (1918). Or, quand il le republie en 1927, Serner le transforme en manuel de savoir-vivre... pour voyous de haute volée ! Ce guide burlesque regorge de conseils avisés en toutes circonstances, que ce soit en charmante compagnie, en voyage ou encore dans l'habillement. Face à une époque de paranoïa aiguë, il s'agit d'instruire l'homme de cour moderne, à savoir l'escroc. Et en somme, de faire l'éloge du cynisme. Serner inflige une thérapie par électrochocs à une humanité dont la folie ne trouve plus de contrepoint que dans la sagesse de l'aigrefin : « Le monde veut être trompé, c'est certain. D'ailleurs, il deviendra sérieusement méchant, si tu ne le fais pas. »
Né en 1899 à Carlsbad et mort au camp de Theresienstadt en 1942, Walter Serner a d'abord été l'une des plus brillantes figures du mouvement Dada. L'originalité de ses romans, publiés au début des années vingt et devenus des classiques de la littérature moderne, lui a valu le surnom de "Maupassant du crime" et de "Choderlos de Laclos des bas-fonds".
Face à un monde peuplé d'algorithmes et d'investisseurs, Robert rêve. Mieux, il invente. Sa « vitrine », capable de traiter et d'actualiser en permanence les données des entreprises, remporte un franc succès. Mais dans un monde soumis à un capitalisme implacable, la situation dégénère et le rêve tourne au cauchemar. Le triomphe de l'efficacité technique coïncide avec celui de la violence : les entreprises qui ont acheté l'invention subissent une vague de meurtres sans précédent.
Dépassé par les événements, sous la pression des investisseurs, Robert médite. Plongé dans l'horreur, il perd tout contact avec la réalité et s'absorbe dans une rêverie lugubre. Fantasmes et réalité se mélangent jusqu'à un paroxysme de confusion, qui se résoudra dans un déchaînement de violence...
Gilles Ribero, auteur et cinéaste, est né à Bondy en 1985. Il passe son enfance en banlieue parisienne puis étudie la géopolitique à l'université Paris 8. Les conflits qu'il étudie, et leur polyphonie, résonnent telles des fausses notes chez l'auteur en devenir. Il se réoriente vers l'étude des arts visuels et de la photographie, au Septantecinq à Bruxelles puis au centre d'art Le Fresnoy à Tourcoing. Clairières est son premier roman.
Le code de conduite du parfait homme de cour est au coeur des conversations de gentilshommes lettrés à la cour d'Urbino. Traduit dès le XVIesiècle dans toute l'Europe, ce manuel de bonnes manières a marqué la culture occidentale. Or, le présent volume s'attache au livre III, le plus original et le plus délicieusement digressif. Cinq hommes et, fait exceptionnel, deux femmes, dont la duchesse d'Urbino, participent à la joute verbale. Le sujet se révèle épineux : les usages qu'une dame de palais se doit d'observer. Tous se disputent in fine sur les mérites prêtés à la femme en général. Quand les misogynes s'opposent aux défenseurs de la gent féminine, l'un prône une égalité entre l'homme et la femme. Mais le champion de ces dames ne s'en forgerait-il pas une image conforme à ses désirs ?
L'écrivain Baldassare Castiglione (1478-1529) fut ambassadeur auprès de Louis XII puis de Léon X. Il se lia d'amitié avec Raphaël et rencontra les personnalités réunies autour de la duchesse Élisabeth de Gonzague et sa belle-soeur Emilia Pia : Pietro Bembo, Julien de Médicis, Ottaviano, Federigo Fregoso et autres lettrés qui figureront dans sa grande oeuvre Il Cortegiano, parue en 1528. Après la mort de sa femme en 1520, il entre dans le clergé et gagne la cour de Charles-Quint. Il meurt à Tolède.
Les trois textes "La vie des nonnes","La vie des femmes mariées" et "La vie des courtisanes" constituent la première partie des Ragionamenti. Dans un style riche en métaphores qui n'est pas sans rappeler celui de Rabelais, Pierre Arétin raconte les plaisirs de la chair auxquels s'adonnaient ses contemporaines. Se moquant allègrement des sacrements religieux (voeux monastiques, mariage et autres balivernes), il tourne en dérision la société de l'époque, préférant à l'hypocrisie des conventions religieuses la franchise des "putains".
Plongeant le lecteur en plein coeur de la crise de l'entre-deux guerres, ce journal d'un chômeur réussit à toucher, comme nul autre roman, la vérité brûlante, sanglante, et surtout humiliante d'une époque rimant avec misère. César Fauxbras livre ici un témoignage bouleversant. Le sordide hôtel pour chômeurs où il nous entraîne existe sûrement dans un coin perdu du XIIIe arrondissement de Paris ; là, le licencié ès lettres Jojo, l'ex-médecin marron Chouard, le ménage Voulaz, la fille Jeannette qui se donne par camaraderie, tous passés maîtres dans l'art du système D et des combines en tout genre, forment un de ces mille îlots perdus dans l'enfer de la grande ville. De galères en situations dramatiques, Thévenin, le narrateur, fait montre d'une ultra-lucidité comme d'une incroyable capacité à déceler l'hypocrisie et débusquer le ridicule ; ne serait-ce que dans la trivialité du quotidien ou dans les méandres d'une administration absurde et inhumaine. Malgré les petits boulots flirtant avec l'illégalité, la lutte des acolytes pour survivre semble vaine. La radiation du chômage les menace tous. La langue de Fauxbras se fait alors drue et corrosive, argotique, brute comme le sujet, son regard sur la société est cinglant. Il donne naissance, par le biais de ce récit intime, à un texte engagé, celui d'un révolté qui laisse transpirer son non-conformisme et un humour noir digne des grands auteurs du genre. Car face à la solitude et au désespoir, seul l'humour pourra les sauver. À moins qu'un pont au-dessus de la Seine ne fasse définitivement l'affaire. Un roman majuscule.
Au fil des ans, Scutenaire a égréné ses Inscriptions, dans le sillage de Restif de la Bretonne ou de Lichtenberg. Bien plus que de simples aphorismes - avec ce que le terme peut comporter de creux ou de factice -, les réflexions de Scutenaire vont au plus profond sans avoir l'air d'y toucher. Sa méfiance généralisée perce à ce jour les ressorts cachés du moi et du monde, et de cette déconstruction naît une oeuvre d'une richesse infinie, à laquelle on peut sans cesse revenir puiser.
"J'ai quelque chose à dire. Et c'est très court." Voilà qui résume la forme lapidaire, définitive et jouissive, privilégiée dans ce recueil, à mi-chemin entre le journal et le cahier d'humeur. Poèmes, aphorismes, sentences entendues et brefs récits se succèdent à un rythme effréné, comme s'il l'on suivait le cours de la pensée de ce poète anti-poète. Scutenaire ose écrire ce qu'il pense et touche à tous les registres du verbe. Il décrit les livres qu'il aime, les auteurs qui comptent, les mots qui lui importent ou les attitudes qui l'insupportent. Ce recueil regorge de trouvailles langagières et philosophiques, forme un puits de connaissance inépuisable et un témoignage sensible sur une personnalité hors du commun. "C'est ça le génie : ne pas le faire exprès."
Une jeune femme bien avertie délivre ici à sa cousine, nettement plus innocente, ses instructions sur l'érotisme. Publié anonymement au XVIIe siècle, l'ouvrage est d'une écriture classique : aussi, ne se fourvoie-t-il pas et remplit parfaitement son office. Sous la forme efficace du dialogue, les choses sont dites crûment, sans détours ni manières. Adressée aux "belles et curieuses demoiselles", cette apologie de la luxure est immédiatement saisie et confisquée lors de sa sortie, en 1655. L'ouvrage a subsisté grâce aux nombreuses contrefaçons hollandaises qui circulèrent vers 1667. Une incitation salutaire à la débauche. À lire sans pudeur par les curieux aussi bien que par les amateurs de volupté.
Il y a tant d'histoires : réelles, fausses, grandes ou petites...Alors, quelle est la "vraie" histoire ?Prenez Gaspard Boisvert, ex-conseiller du président le plus stupide que les États-Unis aient connu, devenu publicitaire pour Pernod-Ricard ("Un verre, ça va, deux verres, ça va mieux"). Mais il ne s'agit pas vraiment de lui. Il y a bien la grande Histoire, celle de la guerre, avec ses dates, ses tableaux, ses statistiques aléatoires. Mais non, ce n'est pas réellement le sujet. Imaginez alors que Gaspard Boisvert cache un lourd secret, que son grand-père soit Adolf Hitler par exemple et que Patrik Ourednik le découvre. Pas le vrai Ourednik, non, le personnage du livre, lui aussi romancier et obsédé par la fin du monde. Vous me suivez ?Pourtant entre la blague des deux chinois, l'histoire des religions, celle du Viagra, l'hymne maltais, l'étymologie du prénom Adolf, le végétarisme ou l'Apocalypse qui se profile, prenez garde, il n'est pas exclu qu'on soit tout simplement en train de se payer votre tête.Cet anti-roman ironique et jubilatoire se glisse entre les rouages de notre époque pour mieux la déboulonner. En 111 chapitres comme autant de fausses pistes, vous pénétrerez les mystères d'une civilisation : la vôtre.
Alors que les années les ont séparés, Paul tente d'écrire sur Ismaël, l'ami disparu sans laisser de traces. Après son départ et celui de Marianne, celle qu'il aimait, sa vie s'est désaxée. Paul se débat avec le présent, hanté par le passé jusqu'à la folie. Il quitte l'hôpital à la recherche d'un lieu pour vivre et écrire : Le Lieu. Cette obsession le mènera sur les traces d'Ismaël, vers une autre femme et d'autres villes : Berlin, Saragosse, Tanger...
Les Étrangers est le roman de vies éparpillées à travers le temps et les lieux. L'histoire des fièvres qui persistent quand tout le reste nous échappe. Quand la quête de l'idéal se confond avec un passé et une création qui ne cessent de se dérober. L'art, la folie, l'amour, le voyage. Paul, Ismaël, Marianne... Dans la grande roue de l'errance.
Rolland Poe a enfin trouvé la recette pour cloner les stars hollywoodiennes. L'événement défraie la chronique et donne lieu à un rapport, matière du récit : « L'affaire des doubles de Hollywood et de la folie de M. Rolland Poe, alias docteur XYZ ». Poe est parvenu à dupliquer toute personne ayant au préalable été filmée. Bientôt, le clone de Greta Garbo s'éveille, suivi par ceux d'autres vedettes du cinéma : Joan Crawford, Norma Shearer, Joan Bennett ou encore Rodolfo Valentino. XYZ délaisse très vite ses investigations scientifiques pour se laisser bercer par les douceurs des romances sentimentales susceptibles de naître sous pareil climat. La société de production Metro-Goldwyn-Mayer s'inquiète cependant de voir dédoublées ses stars les plus cotées. Une opération d'enlèvement s'élabore...
Fils de l'écrivain péruvien Ricardo Palma, auteur de Traditions péruviennes, Clemente Palma (1872-1946) appartient à l'oligarchie libérale, nourrie de littérature française et nord-américaine. Auteur de recueils de contes et d'essais, il a aussi dirigé des revues littéraires et des journaux, a été consul à Barcelone puis député. Exilé à Santiago du Chili, il entame l'écriture d'XYZ.
Une rumeur gronde depuis les tombes du cimetière de Spoon River. C'est la voix des morts. Depuis l'au-delà, les habitants ensevelis retracent dans des mots taillés à la serpe la cause de leur décès.Règlement de comptes et autres aveux dépeignent une véritable fresque sociale. De la femme trompée au juge déwchu, le ressentiment se répand comme une traînée de poudre. Entre ses allées, le calme n'est qu'apparent, la rancoeur n'aura de cesse de perturber un repos éternel. Chef d'orchestre de ces voix, Edgar Lee Masters signe là un roman extrêmement original au ton férocement satirique, qui repose sur une mise en perspective des monologues au moyen d'échos et d'allusions croisées. Mais ce n'est pas tout : il compose du même coup de véritables poèmes en vers libres, qui tiennent de l'épigramme et prennent le contre-pied de l'éloge funèbre. Passions et rancoeurs animent ce microcosme, allégorie de toute l'Amérique, loin de tout cliché bucolique. Foudroyant.
Entre hallucinations psychotiques, fulgurances littéraires et sévères retours à la réalité, le narrateur peine à avancer dans ce monde qui trop souvent le "dégage" en touche. Aussitôt vécue, l'existence s'éprouve entre les lignes du roman en train de s'écrire. Et celui-ci de recommencer depuis le début, au moment où on le croirait achevé. Attitude borgésienne entre toutes. Renaud Burel "trempe sa plume dans son propre sang". Condamné à une constante instabilité, il trouve refuge parmi les fous ou les saltimbanques. Un des passages les plus émouvants du récit relate une soirée dans un cirque tsigane. L'auteur se reconnaît parmi les exclus de la norme, pourtant elle-même arbitraire : "C'est p'têt' ça le problème des fous, pas une case en moins, plutôt deux trois étages en plus..."
C'est à l'Institut médico-légal, surnommé L'Hôtel, que se croisent les personnages interlopes de ce roman noir. Le narrateur, directeur de ce lieu déroutant, décrit la lente dépravation de son institution. Suite à sa rencontre avec Valère, producteur de films pornographiques, il accepte une étrange proposition : que l'Institut abrite un club clandestin... Dehors, un mal jaune se propage.
"Cloaque nauséabond", l'Institut devient l'antre d'une véritable fête des morts. La succession de chapitres courts et nerveux dit l'ascension irrémédiable du récit vers une apothéose de la folie. Aussi affutée que le scalpel du narrateur qui dissèque les cadavres, la plume de Bruce Bégout nous entraîne aux confins d'une extase ultime, d'une décomposition totale : celle des corps, des êtres et du récit.