On aurait pu les appeler personnes âgées, mais « ça aurait été réducteur. Papi ou Mamie n'ont pas toujours eu des cheveux blancs et des sourcils en broussaille, n'ont pas toujours eu besoin de déambulateurs ou de dentiers. Il fut un temps où ils ont couru, ri, joué, raconté des blagues, fait des galipettes, eu des peines de coeur, des frustrations, des peurs, de l'acné...
Difficile d'imaginer la vie qu'ils ont menée. En lisant, vous en aurez une petite idée. Les textes sont courts, les photos sont trippantes, qu'est-ce que vous risquez ? D'avoir envie d'aller les voir ? D'aller leur taper la bise ? Ce serait nickel. Ils ont tellement besoin d'amour... »
Le jour de son départ en pré-retraite, Hélène Belmont se voit offrir par ses collègues de travail une superbe machine à coudre. Or, Hélène n'a aucune envie de devenir, à cinquante-huit ans, une championne du fil et de l'aiguille. Cette belle femme est encore débordante d'énergie. Elle a des projets. D'abord, elle fera le voyage de ses rêves en Méditerranée. Puis, elle renouera avec d'anciennes connaissances. Gérald, par exemple, qui dresse des crocodiles et un mouton vert pour des spots publicitaires. Si Hélène trouve, auprès de Gérald, la tendresse, l'amour et ce brin de folie nécessaires à son épanouissement, pas question pour elle de se laisser étouffer. Un beau jour, elle part s'installer en Provence. Et c'est là, dans un paisible petit hameau, qu'Hélène va découvrir un bonheur inattendu... À soixante ans, tout peut recommencer. À travers ces années-vermeil, Gabrielle Marquet n'évoque pas seulement un problème de notre temps. Elle retrace aussi, avec drôlerie, les méandres du destin d'une femme qui refuse d'être mise au rancart. Elle se bat, elle se démène. Pour elle-même. Pour les autres. Au nom de l'amour, au nom de la vie.
À seize ans, Jacob, orphelin de père, n'a qu'une idée en tête, s'engager dans la marine et parcourir le monde, comme son oncle, capitaine au long cours, mort dans une armoire, parce qu'il avait peur de l'orage... On le voit, le ton est donné, celui de l'humour, dès le départ de cette éducation sentimentale d'un garçon intrépide et rêveur qui étouffe dans sa petite ville natale, environnée de sapins et d'ennui, sous un ciel de pluie où seuls brillent, pour lui, l'amour d'Évelyne et l'amitié de Lakhdar, champion toutes catégories au jeu des osselets. À cet âge la vraie vie est ailleurs, faite des petits riens, que l'imagination transforme en aventures fabuleuses ou pathétiques. Les escapades en compagnie d'Argos, le bouledogue au grand coeur, les imprévus du métier de pompiste, la rencontre avec les mauvais garçons, et l'apparition de la mort sur le visage d'une vieille femme tendrement aimée. C'est elle, la mort, qui sonnera les matines pour frère Jacob, l'heure du grand départ, et de son entrée dans l'âge adulte. Composé avec une belle insolence, une savante désinvolture, cet adieu à l'adolescence, plein de drôlerie et d'émotion, marque un début éclatant dans la littérature romanesque.
Ce que je raconte ici, c'est ma vie, celle du salarié matricule 1437. 1437, ça n'était pas mon numéro de cellule, c'était mon numéro de poste. Pendant des mois, j'ai vécu sous pression. Ma profession ? Cadre restructuré. Un type suspect qui coûte plus cher que les employés de base. Qui finit par en savoir trop, et par devenir un danger. Bien sûr, la télévision n'a rien d'un monde paisible. Mais une épuration, au fond, se déroule partout de la même façon. Je n'y étais pas préparé. Il m'a fallu utiliser de drôles de moyens pour essayer de sauver ma peau. J'ai beaucoup changé depuis. Je ne suis pas sûr que ce soit en bien. Plongée inquiétante au coeur d'un grand groupe, où règnent violence et lâcheté, satire féroce des élites parisiennes, ce roman de la comédie humaine dans la France contemporaine, pourrait bien être à notre époque ce que L'imprécateur de René-Victor Pilhes fut aux années 70, et Le bûcher des vanités de Tom Wolfe aux années 80.
Johan se fait surnommer Hobo. Il vit de petits larcins, et son existence s'organise autour des trajets qu'il improvise sur le réseau de chemin de fer français, dont il connaît tous les secrets. Poussé par ses démons, pourchassé par ses souvenirs étouffants, Johan, la plupart du temps, ne peut oublier. Alors, il fuit à toutes jambes. Mais dans ces moments, justement, ses jambes ne le portent plus. Six ans d'errances, pour en arriver là. Antoine, Catherine, Séléna... Passé et présent s'entremêlent. Quant au futur ! L'amour s'échappe dorénavant devant lui à la vitesse d'un express, et la catastrophe n'est pas loin.
Le sifflement ténu s'amplifia et une-deux-trois-quatre, quatre notes s'essayèrent et se fondirent en accord. Un son riche et harmonieux s'éleva, avec des élancées courtes et des reprises plus appuyées, telle la mélopée d'un choeur qu'on ne verrait pas. D'où pouvait provenir une musique si merveilleuse ? Amandine rouvrit la fenêtre et les pleurs du nouveau-né en colère couvrirent tout. Non, le bruit venait de l'intérieur, et de plusieurs endroits en même temps. Sans être plus fort que tout à l'heure, le chant modulé avait gagné en profondeur et en unité, et il offrait à l'oreille une étendue de laque qui s'illuminait en gerbes rondes et colorées. Toutefois, le son lui-même n'était pas émis de façon uniforme, mais semblait émaner - c'était absurde ! - de différents appareils de l'appartement. Il ricochait, dans un ordre de succession qui n'avait pas l'air prédéterminé, de la télévision à la minichaîne, du micro-ondes au répondeur téléphonique, en passant par le fax et le magnétoscope de Paul qui n'avaient pas encore été débranchés. L'adaptation-contemporaine, précise et malicieuse, d'un lieu commun romanesque : quand un homme marié, Paul Lejeune, qui travaille au BTMF (Bureau des technologies et matières du futur), installe sa jeune maîtresse, Amandine... une étonnante symphonie des objets.
Dans l'Algérie exsangue de l'immédiat après-guerre, une vieille originale, Prudence Deschaussayes, confie à Lancelot - le narrateur - le manuscrit d'une tragédie, Trois Enfants perdus, « autobiographique », précise-t-elle. Fasciné par la démesure de la pièce, Lancelot se met en devoir de la faire représenter au théâtre municipal d'Oran. Le soir de la première, la vieille fille disparaît, emmenée par des inconnus qui sont peut-être les héros mêmes de l'histoire. Tel est le point de départ du roman, autrement dit de cette « enquête » que va dès lors entreprendre Lancelot, aidé par son ami Salah Eddine, pour retrouver l'auteur et ses personnages, les véritables modèles de ces « enfants perdus ». Étrange enquête, coupée de rappels, de confessions, et de réminiscences, dont les rebondissements imprévus, les multiples épisodes entraînent le lecteur au coeur du drame algérien, de la conquête à l'indépendance. Une étonnante remontée dans le Temps et la Mémoire de deux communautés unies malgré elles, déchirées par une guerre fratricide dont nous revivons les péripéties à travers le destin maudit d'une famille. Jamais sans doute Jean-Pierre Millecam ne nous avait fait sentir avec une telle intensité la nature mystérieuse d'un conflit où l'honneur de chacun se dévoile, unique et double à la fois, partagé entre l'amour et la haine, le sang et les larmes, la terreur et la pitié.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
Depuis des générations, les paysans de la Drôme provençale savent que leur fortune est enfouie sous la terre, au pied des vieux chênes. Cette fortune s'appelle la truffe. Ici, un bon terrain n'a pas de prix. Et il faut des années de patience pour former l'odorat d'une chienne. Une vieille querelle entre deux familles, les Ramier et les Turc, tourne brusquement au drame après l'empoisonnement de Bergère, la chienne de Martin Ramier. Dès lors, celui-ci n'a plus qu'une idée en tête : se venger et prendre possession du Serre-aux-Truffes, le meilleur terrain de la région. Trente ans plus tard, la vendetta n'est toujours pas éteinte. Le petit-fils Ramier s'éprend de la troublante Geneviève de Férane, sans comprendre qu'il vient de tomber dans un piège fatal... Pierre Sogno nous offre une formidable fresque régionale et nous ouvre les portes du monde très fermé des producteurs de truffes. Ici, les hommes et les femmes vivent de la terre et les passions sont teintées de violence et de pureté.
Après L'artefact, Patrick Thévenon nous propose dans ce nouveau livre, une sorte de fable moderne, ironique et pitoyable, sur la difficulté d'être soi. Un apathiste est un homme qui regarde l'apathie comme un moyen de salut. Autrement dit, il s'agit de se soustraire à toutes les émotions inutiles ou passions vulgaires qui font de l'existence un marché de dupes et un malentendu. Ainsi, notre héros décide de retrancher de son emploi du temps ce qui l'encombre - les habitudes, les relations, le confort - pour ne garder que l'essentiel, la nudité de la vie. Il ferme son commerce, déménage ses meubles et sa garde-robe, raye les amis de son carnet d'adresses, et coupe son téléphone. Pour devenir le premier venu, il changera de décor, parcourra les différentes étapes d'un voyage méthodique, mais non dépourvu de fantaisie, au pays de la solitude. Une expérience qui le conduira à une conclusion inattendue. Écrit dans une langue classique, sur un ton détaché, à la manière d'une sotie, ce récit de Patrick Thévenon se lit comme un contemporain humoristique d'un certain malaise contemporain.
Bien éloigné des touristes attirés par les croisières exotiques et les ponts-promenades de paquebots fastueux, Laurent Gaigneur n'a embarqué au Havre, sur un cargo, qu'avec l'intention de ne pas descendre à terre. Parce qu'il a sauvé naguère la vie de son fils, l'armateur de l'Amiral-Hermenault a mis à la disposition de Laurent une cabine de passager. Le narrateur, hanté par la mer depuis son enfance, devient le compagnon attentif du radio, du garçon de cabine, du commandant. Entre le carré et la passerelle, dans le domaine circonscrit - presque magique - où vit et travaille l'équipage, il observe la route du navire au long des côtes de l'Afrique, l'approche des ports, le déchargement des conteneurs. Mais, le plus souvent, enfermé dans la solitude de sa cabine, c'est vers lui-même que revient Laurent. Pour ce comédien désenchanté de l'amour, s'agit-il d'un voyage sans retour, ou d'un nouveau départ vers l'inconnu ? Au lecteur de le découvrir, qui rêve d'une escale prochaine où la vraie vie nous attend. Une écriture musicale donne à ce récit mystérieux, la résonance profonde d'une expérience intérieure.
Adam Pommier a le culte de la beauté. Malheureusement, la nature l'a doté d'un physique ingrat. À lui qui rêve d'être un Adonis, le miroir renvoie l'image d'une silhouette sans grâce, l'échine courbe, le ventre bedonnant, la peau terne et les traits irréguliers. Par quels prodiges pourrait-il atteindre à cette perfection formelle, qui réjouit ses yeux et hante son imagination ? Car, rejetant les ressources de l'esprit et du coeur, l'adonisant ne prend en compte que la part matérielle de l'existence. Seul le corps existe pour Adam Pommier qui va exercer sur lui les procédés d'une re-création totale. De la gymnastique suédoise à la chirurgie esthétique, en passant par les sports et les arts d'agrément, il traversera ainsi les différents stades d'une métamorphose qui fera de lui un homme parfaitement beau. Quel destin l'attend désormais ? Si la laideur isole, ou se confond avec la grisaille de l'espèce, la beauté rassemble et attire sur elle les provocations de la société. À la fois roman de formation et réflexion sur le paraître, L'adonisant se lit comme la démonstration implacable d'une obsession moderne qui rejoint celle de l'artefact et de l'apathiste. Procédant par scènes tantôt pathétiques, tantôt burlesques, mais imperturbablement écrites sur le mode de l'humour, Patrick Thevenon confirme ici la démarche singulière d'un écrivain hors du commun.
Une grande cité normande a le privilège de posséder encore une prairie naturelle où jouent les enfants, où broutent les vaches, et que reniflent les spéculateurs. Située au coeur de la ville, elle représente à la fois un symbole, et un enjeu pour ses habitants. C'est un lieu magique, où chacun peut retrouver l'image de la liberté et de l'innocence, c'est aussi une réalité bien présente qui devient objet de convoitises et de marchandages. Autour de la prairie, et du duel à mort que s'y livrent le maire Anchel et les promoteurs immobiliers, s'organise et se définit le destin des principaux personnages. L'architecte Choreau, le jeune Rémi, le peintre Lelouvey, Marianne, tous plus ou moins floués par l'existence, exécutent les différentes figures d'un ballet de solitude, réglées par le voiturier Bazerque, clochard bucolique qui règne sur son carré d'herbes vives. Avec ce cinquième roman, Guy Rohou renouvelle et élargit les thèmes de son oeuvre. Dépassant les limites d'une chronique sociale, par la grâce d'une écriture tour à tour tendre, familière ou corrosive, il a su recréer tout un monde et nous donner de la vie une sorte de vision unanimiste, pleine de richesse et de secrets. Notre dernière chance de bonheur.
Un quartier de Paris, qui a l'air d'une petite ville de province, avec ses boutiques et ses commères, le long de la grande rue qui conduit au cimetière. Un dimanche, pareil aux autres, où chacun se nourrit de ses rêves, se délivre de ses angoisses. Au soir de sa vie, Célina pense que son existence est finie, sans se douter que l'amour bientôt la fera renaître. Pour Albert, l'aventure commence le premier jour de sa retraite, tandis qu'une jeune femme, Gabrielle, rompt avec son passé, et qu'un vieux professeur s'enferme dans sa solitude. Ainsi se nouent et se défont les fils du destin, comme se croisent les allées et venues du clochard Marcel, en quête de chaleur humaine, de l'enfant Thibaut, à la recherche de son père chômeur, et d'un chat noir, épris de liberté. Une ronde de quelques heures, où tout est dit, sans rien qui pèse, du secret des coeurs. Le monde de Laurence Korb est celui de la tendresse. D'une voix tranquille, avec juste ce qu'il faut d'humour et d'émotion, elle sait ressusciter pour nous les dimanches de la vie, chers à Raymond Queneau, dont les passants nous ressemblent comme des frères.
Escortée par Ulysse, son vieux labrador, la comtesse Anne-Marie Fromelières de Vignals traverse la prairie qui s'étend devant le château de Guillebac, pour aller déposer un ouvre-boîte sur une table de pique-nique. À qui est destiné cet ustensile ? Dans le village, il n'est question que d'un jeune inconnu qui a dérobé des conserves, après avoir assommé la commerçante. Le sort du malfaiteur a l'air de préoccuper curieusement la comtesse. Traqué par les gendarmes, l'homme s'est-il réfugié dans le parc ? N'aura-t-il pas l'idée de s'introduire dans le château, au moment de la visite, en se mêlant à la foule des touristes ? Justement, la comtesse est seule, cette nuit-là, car son mari est parti enterrer une tante à héritage. Dès lors, le château de Guillebac deviendra le théâtre de scènes tour à tour cocasses et dramatiques, dont les rebondissements imprévus modifieront la destinée de chacun des personnages. Une vie de château menée tambour battant, où le talent de conteuse de Gabrielle Marquet fait merveille, en ménageant bien des surprises au lecteur. Ce sont les surprises de la vie et du bonheur.
Dans les sables, un enfant. Seul. À des milliers de kilomètres de là, un homme, devant un appareil de radio. Entre les deux, un fil ténu : la voix humaine. S'engage un dialogue, tendu, émouvant, dont la chaleur seule relie l'enfant au monde : Marc, où est-ce que vous vous trouvez ? - Je ne sais pas au juste ; il faisait noir quand ça s'est passé ; maintenant, il n'y a plus de maisons, ni de gens, ni rien... - Ne quitte surtout pas l'écoute : je vais lancer les recherches. Qui est cet enfant ? Qui est cet homme ? Ce drame en dissimule-t-il un autre ? C'est l'art subtil et maîtrisé de Michel Friedman, de nous dévoiler, peu à peu, le mystère pathétique d'une enfance singulière.
« Dix mille jours » est la chronique d'un quartier des Godeaux, petite ville où se déroule l'histoire de Geneviève et de Léonard le Balayeur. Ce Léonard, lorsqu'il balaye, on croirait qu'il danse, au point que l'on accourt de partout pour le regarder. Quand Geneviève en tombera amoureuse, son compagnon, Élie Toubaron, n'en sera pas étonné. Il l'avait prévu. Il avait tout prévu, puisque ses rêves deviennent réalité. Ainsi Élie rêvera-t-il Hitler, la guerre, l'occupation et toutes les catastrophes qui s'abattront sur les Godeaux. Une foule de personnages, dont nous ferons connaissance chez le bougnat du coin, s'entrecroisent et virevoltent autour des destins de nos trois héros : Monsieur Borêve qui tente d'assassiner la statue du square aux formes si provocantes : Constant qui ne peut garder de compagne mais finira par trop en avoir ; Monsieur Pingron avec son accordéon, cherchant à apprivoiser dans les égouts les rats, âmes perdues ; Pépé Borniol qui apprend presque a ne pas mourir ; Monsieur Gourachon, Nina Trumaille et tant d'autres, sortis dirait-on d'un dessin de Folon ou d'un poème de Prévert, présentés par la voix de Daniel Apruz, qui nous apporte un monde de drôlerie, de merveilleux et de poésie.
Il était une fois un jeune homme appelé Jérôme qui avait un arbre dans la tête. Un arbre ou une idée, un amour ou une lubie, pourquoi pas ? Ce sont des choses qui arrivent et ne manquent pas de poser quelques problèmes. Quand Jérôme était enfant, on avait tendance à l'oublier - sans doute prenait-il racine - et devenu plus grand, malgré ses yeux rêveurs et sa peau douce, les demoiselles, sitôt le dos tourné, ne pensaient plus à lui. Jusqu'au jour où Jérôme rencontra Julien et sa fille Isabelle, autant dire l'amitié et l'amour. Tous trois, ils s'en allèrent rejoindre Marianne et sa vieille mémé, quelque part du côté de l'Ardèche, dans un pays où l'on chasse les arbres à coups de fusil, parce qu'ils grimpent sur les murs et démolissent les maisons... À mi-chemin du rêve et de la réalité, le nouveau roman de Daniel Apruz se lit comme un récit d'aventures, rempli d'épisodes cocasses et de personnages inattendus. On y retrouve les qualités d'invention, l'humour familier qui ont fait le succès des Pendules de Malac (Grand Prix de l'humour noir). C'est aussi l'histoire d'une passion et d'une solitude, où se dévoile la vérité toute simple de la vie, telle qu'elle apparaît aux yeux neufs de l'enfance. Méfiez-vous des arbres !
Les années soixante. Dans cette garnison désolée du nord de la Yougoslavie, ils sont quelques jeunes conscrits qui coulent d'interminables journées, et reconstruisent le monde dans la chaleur de l'alcool et de l'amitié. Leur enfance a été blessée par la guerre ; leur adolescence bercée par les promesses d'une société nouvelle. Et quand est venu l'âge d'homme, quelques-uns, parmi eux, se sont aperçus que l'avenir radieux fuyait toujours à l'horizon, comme le soleil dans sa course. Sneni est de deux-là. Il est aussi de ceux qui abritent un indéracinable idéal et baladent, de déception en désespoir, un éternel fardeau d'amour. Les Roches, il les a choisies pour y faire le point, dans la solitude, antichambre de l'exil. Sans doute aussi pour découvrir le secret de leur funeste réputation, pour comprendre pourquoi, dans ce microcosme yougoslave, on se suicide si souvent. La mort peut-elle avoir un parfum de femme ? Un prénom féminin peut-il cristalliser la mélancolie des espoirs enfuis ? Ce premier roman de Vladan Radoman, où l'humour est parfois au bord des larmes, où la poésie est un mode de vie, est l'un de ces textes rares auquel la maîtrise de la maturité est donnée d'emblée.
Monsieur Billon notait, au jour le jour, ses rencontres, ses humeurs, et le temps qu'il faisait. Comme il était très vieux, ses petits carnets, alignés, couvraient un rayon de sa bibliothèque : peu d'espace pour beaucoup d'années. C'est ce souvenir d'enfance qui a inspiré le thème du roman : où retrouver le texte d'une vie qui va s'éteindre, comment le lire et lui redonner chair et couleurs, avant qu'il ne s'efface dans l'oubli ? Deux femmes, tendrement unies, la mère et la fille, la première, murée dans le silence par la maladie, dialogue avec sa mémoire, la seconde s'interroge et voudrait la rejoindre dans sa solitude. Deux voix alternées, qui parlent et se répondent, chacune à sa manière, recomposant au fil des jours la continuité d'une existence, avec ses joies, ses peines, les bonheurs que l'on tait, ou les drames qu'on se cache. Deux vies vont à la rencontre l'une de l'autre pour se reconnaître. Par la grâce d'une écriture sensible, la précision d'un esprit attentif aux secrets du coeur, Josane Duranteau nous découvre cette vérité toute simple (mais oubliée) que l'amour seul peut nous sauver du néant, et que les mots sont là, comme les maillons d'une chaîne invisible pour relier les morts aux vivants.
Un homme a noté ses rêves, qui deviennent pour lui, à vingt ou trente ans de distance, les points de repère symboliques de sa vie écoulée. Les images renaissent à ses yeux, comme autant de souvenirs vrais ou rêvés dont les échos se répondent mystérieusement. À travers l'évocation d'une jeunesse pauvre et solitaire, à l'écart du monde, pleine d'émerveillement, de rires et de larmes (de cocasseries aussi), dominée par la figure tendrement chérie de Sylvia, la mère du narrateur, nous suivons le fil tendu de nuit en nuit, qui nous conduit au plus secret de l'être, à cette part indicible qui existe en chacun de nous, où se cache le sens de notre destinée. Nous nous apercevons alors que cet inventaire ressemble à une enquête, riche en surprises et en rebondissements, au terme de laquelle le lecteur (comme l'auteur) se sent modifié. Et heureux.
Paris, une ville en dérive, au milieu de l'hiver, une lézarde vagabonde, qui court comme le furet sur la chaussée, et démantèle les monuments publics, tel est le spectacle inattendu auquel nous assistons en compagnie de Flora, le personnage principal du roman. Autour d'elle, d'autres existences se lézardent, elles aussi, au gré du lent travail de sape qui ronge la ville. Il y a Blanc-sec, l'écrivain, un bohème au grand coeur et à la dialectique subtile. Il y a Hubertine, la vieille amie des animaux en détresse, Madame Vergne, l'amante inconsolée. Il y a un gros chat roux, qui s'appelle Biquet, et la petite Suzanne, une réplique de Flora adolescente, qui offre à son double le miroir de ses années d'enfance. Et tandis que les événements se précipitent, au milieu d'une société en déroute, il y a Flora qui essaie de mettre un peu d'ordre dans sa vie et dans ses sentiments, une Flora heureuse et apaisée, dans l'attente du grand bouleversement qui rendra à chacun sa raison d'être. Mêlant le fantastique au réalisme quotidien, dans une suite de croquis parisiens, pleins d'humour et de tendresse, Laurence Korb a composé là une sorte de fable moderne pour rire, un roman-catastrophe d'un effet tonique irrésistible.
Quand le jeune Samuel a des difficultés avec l'existence, il grimpe sur la plus haute branche de son platane et, là, il se met à rêver, il invente les jours et regarde le monde. Le monde, c'est d'abord ceux qui l'entourent, Simon, le frère tendrement admiré, Abraham, le père, un ouvrier fantasque et sans le sou, toujours prêt à croire aux lendemains qui chantent, Suzanne, sa seconde épouse qui lui a apporté deux petites filles en dot, et pas mal de chamailleries, la fascinante Marie-Rose, qui a bon coeur et mauvaise réputation. Le monde, c'est aussi le mystère de la vie qui se dévoile, où chaque jour qui passe apporte son secret, chaque sensation nouvelle son plaisir et sa douleur. Réfugié dans son arbre, Samuel se mesure avec Dieu, rien ne peut l'atteindre, ni la misère, ni la mort. L'avenir lui appartient. Dans ce premier roman, Bernard Mesguich a su nous faire entendre, sans complaisance, la voix de l'enfance la plus authentique. Il ressucite le merveilleux quotidien, la grâce du premier regard posé sur les êtres et les choses. Samuel devient notre compagnon, de joie et d'infortune. On ne l'oublie pas.
Fabien est un ancien champion de boxe, hanté par le monde de la violence et de la peur. Après avoir interrompu sa carrière (par abandon volontaire), il part à la recherche de son passé, que symbolise la figure d'une mère mystérieusement disparue. Renouant avec l'errance de ses ancêtres, le peuple nomade des Rours, Fabien ira de ville en ville, sur les traces de la fugitive, à travers l'Italie, les Balkans, l'Anatolie. Jusqu'au coeur de l'Asie, dans l'Afghanistan en guerre. Voyage initiatique, à la limite du fantasme et de la réalité, traversé d'oracles, de rencontres énigmatiques, au terme duquel Fabien retrouvera, pour la perdre, celle qui se dérobe, cette mère tant désirée, source de toute mémoire où s'abreuvent les rêves des hommes.